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Economie. Meissa Babou, économiste et enseignant à l’UCAD s’indigne : « la crise actuelle des finances publiques était prévisible »

L’économiste et enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Meissa Babou, réagit à la situation « calamiteuse » des finances publiques, affirmant avoir alerté le régime sortant dès 2023. Toutefois, il n’écarte pas la responsabilité de la Banque mondiale, qu’il accuse d’avoir fermé les yeux sur cette situation.

Selon Babou, la crise actuelle des finances publiques était prévisible. « Nous avions vu cette situation se profiler et n’avons cessé d’alerter depuis 2023 », souligne-t-il. Cependant, regrette-t-il, « nous n’avons pas été entendus par le régime sortant ». En réalité, « le pouvoir en place n’a cessé de maquiller les chiffres et n’a jamais dit la vérité », déplore-t-il. Pour étayer ses propos, il rappelle que dès 2022, les signes avant-coureurs étaient perceptibles, notamment à travers la hausse des factures d’eau, d’électricité, de carburant et de ciment, entre autres. « Cela laissait déjà entrevoir que l’État du Sénégal faisait face à des difficultés de trésorerie », ajoute-t-il. De plus, « chaque mois, l’État empruntait environ 100 milliards de francs CFA sur le marché de l’UEMOA », une stratégie visant à combler un déficit mensuel croissant.

L’État est même allé jusqu’à émettre des euro-obligations (eurobonds) sur le marché européen. Meissa Babou précise que les charges de fonctionnement étaient devenues insoutenables. « Sous la présidence d’Abdoulaye Wade, la masse salariale mensuelle s’élevait à 60 milliards de francs CFA, sous Macky Sall, elle a grimpé à 130 milliards », ce qu’il qualifie de sabotage. L’économiste poursuit en relevant : « alors que l’endettement représentait 37 % du PIB sous le président Wade, il s’élève désormais à 83,7 %, avec des remboursements annuels avoisinant les 2000 milliards de francs CFA. Combinée à une masse salariale croissante, cette situation rend les finances publiques intenables à long terme », affirme-t-il. Selon lui, cette fragilité du Trésor public était perceptible depuis longtemps et résulte de « choix inopportuns » effectués par le gouvernement. « En clair, ils ont emprunté une voie erronée », conclut-il. Il ajoute que de nombreux fonds ont été investis dans les secteurs du transport et des infrastructures routières, sans pour autant créer d’emplois ni générer de richesses. Enfin, Meissa Babou critique sévèrement le silence de la Banque mondiale face à cette situation. « La Banque mondiale aurait dû intervenir pour garantir la crédibilité de la signature du Sénégal, mais elle a laissé faire », conclut-il.