La carrière hors-norme du Majorquin s’est achevée dans la nuit de mardi à mercredi à Malaga avec l’élimination de l’Espagne face aux Pays-Bas dès les quarts de finale.
Il est 00h43, dans la nuit de mardi à mercredi, et Rafael Nadal, 38 ans, salue une dernière fois le public du Palais des Sports de Malaga, qui l’applaudit à tout rompre, avant de se jeter dans l’obscurité du tunnel des vestiaires. Cette fois, ça y est.
La légende espagnole, l’extra-terrien aux 14 Roland-Garros, le phénix de Manacor vient de tirer définitivement le rideau sur plus de vingt ans d’une fabuleuse carrière. Définitivement, mais surtout prématurément. L’Espagne et le monde du tennis pensaient célébrer leur champion jusqu’au week-end et pourquoi pas un final en apothéose de la Coupe Davis dimanche contre l’Italie du n° 1 mondial Jannik Sinner.
Mais les Pays-Bas ont salement gâché la fête et précipité la défaite des Ibères. Drôle d’ambiance pour un hommage… Après le revers de la paire Alcaraz/Granollers en double synonyme d’élimination, le Majorquin a pris place au centre du court pour un ultime discours de près de quinze minutes et un adieu aux larmes. Avec un arrière-goût d’inachevé dans ce final un peu bâclé et bien trop formel.
Convaincus de la qualification espagnole, Novak Djokovic (actuellement dans sa résidence de Malaga), Roger Federer et Andy Murray avaient prévu de venir célébrer leur rival à partir de vendredi, le jour des demi-finales. L’émotion aurait sûrement été différente, dans la veine du départ de «Roger » en 2022 .
« On aurait tous voulu gagner, j’aurais aimé faire plus mais c’est tout ce que j’avais, s’est excusé le Taureau de Manacor, l’échine beaucoup trop percée de banderilles pour pouvoir remporter son ultime simple contre le Néerlandais Botic van de Zandschulp un peu plus tôt dans cette funeste journée. Merci à tous de m’avoir permis de passer ici mes derniers jours comme professionnel (…) Personne n’aime arriver à ce moment-là. Je ne suis pas fatigué de jouer au tennis mais il faut accepter la situation. J’en ai fait beaucoup plus que ce que je pouvais imaginer… »
La famille dans les tribunes et les coéquipiers sur le banc ont l’œil plus qu’humide. Nadal, lui, a la gorge serrée en regardant sur l’écran géant des images d’archives assorties de témoignages. L’exercice est certes convenu mais le casting ne trompe pas. Du tout frais Ballon d’Or Rodri à David Beckham en passant par les footballeurs Casillas, Raul ou Iniesta, Serena Williams ou ses ex-compères du Big Four (Federer, Djokovic et Murray), chacun insiste sur les valeurs, l’exemple et l’héritage du champion majorquin.
« Tu vas beaucoup nous manquer, lui glisse son capitaine et ami David Ferrer, propulsé à ses côtés comme porte-parole du tennis espagnol. Il y a des gens dont on cesse de se souvenir à la fin de leur vie, d’autres dont on se souvient éternellement. On se souviendra de toi éternellement… »
« Je veux juste qu’on se souvienne de moi comme une bonne personne »
Et on prendra soin de passer rapidement sur l’épilogue de son existence de joueur qui forcément n’a pas été à la hauteur de deux décennies de démesure et d’exploits. « Les fins idéales, c’est dans les films américains », avait prévenu Nadal lundi. Bien vu.
Dans une rencontre où l’affectif et le contexte ont forcément pris le pas sur le rationnel, Ferrer avait choisi de faire un cadeau au quadruple lauréat de la compétition en le titularisant pour le simple d’ouverture. Ce qui n’a finalement rendu service à personne… Malgré un courage et une abnégation sans faille, Nadal a logiquement manqué de tout (vitesse, réactivité, longueur de frappe, vista…) au terme de deux années de crépuscule à jouer les intermittents du spectacle quand son corps lui en donnait la permission.
« On est allés sur le terrain, on a vécu ce moment et j’ai essayé de faire de mon mieux, de rester aussi positif que possible à chaque instant, de jouer avec la bonne énergie, explique-t-il. Mais cela n’a pas suffi… » Tout le monde a oublié (ou fait semblant) que la longue et belle route de Federer sur le circuit s’est achevée sur une roue de bicyclette contre le Polonais Hurkacz en quart de finale à Wimbledon en 2001.
Il y aura donc tellement d’autres images à garder en tête, notamment du côté de l’Ouest de Paris, où Nadal a le privilège unique d’avoir sa statue à l’entrée du stade, tellement il aura marqué la terre parisienne d’une empreinte indélébile. Avec cette statistique à jamais irréelle de 112 victoires pour 4 défaites…
« De nos duels, je retiendrai Wimbledon 2008 », glisse cependant en vidéo Federer, beau joueur et sorti perdant d’une des plus grandes finales de l’histoire.
« Peu importent les chiffres ou les titres, répète le héros malheureux de la soirée devant les 11 000 fans dont certains avaient cassé le plan d’épargne pour s’offrir un billet. Je veux juste qu’on se souvienne de moi comme une bonne personne. J’ai eu beaucoup de chance de vivre ce que j’ai vécu. Je suis allé au-delà de mes rêves. Je pars avec tranquillité et sérénité. » Dans les gradins comme sur les affiches en ville fleurissent les « Gracias Rafa ». Et encore merci pour tout…