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Etats-Unis : Pourquoi retirer le fluor de l’eau du robinet pourrait « faire des ravages » ?

Robert F. Kennedy Jr, nommé futur ministre de la Santé par Donald Trump, veut mettre un terme à la supplémentation de l’eau du robinet en fluor.

Ce qu’il faut retenir :

  • Robert F. Kennedy Jr, nommé par Donald Trump en tant que futur ministre de la Santé, souhaite revenir sur la fluorisation de l’eau potable aux Etats-Unis.

  • Cette pratique, établie en 1945 par le pays, a pour but de limiter les caries dans la population, le fluor agissant comme une barrière supplémentaire pour l’émail des dents.

  • De plus en plus critiquée et quasi inexistante en France, la fluorisation apporte aussi son lot de défauts, même si certaines des allégations de Robert F. Kennedy Jr, antivax notoire, sont erronées.

Outre-Atlantique, les autorités mettent du fluor dans l’eau du robinet depuis 1945. Ils espèrent ainsi améliorer la  santé bucco-dentaire  des Américains. Mais pour Robert F. Kennedy Junior, le prochain ministre de la Santé américain, cette pratique provoquerait de « l’arthrite, des fractures osseuses, des cancers des os, des pertes de quotient intellectuel [QI], des troubles du développement neurologique et des maladies de la  thyroïde ».

Il suffit de jeter un œil à son programme « Make America Healthy Again » (MAHA, « rendre à l’Amérique sa santé ») pour constater que RFK junior, antivax, multiplie les thèsescomplotistes. « Ces fake news ne datent pas d’hier. Dans les années 1950-1960, on a vu de faux généraux américains assurer que les communistes empoisonnaient l’eau potable des Américains avec du fluor potentiellement neurotoxique ou que les nazis en donnaient aux prisonniers pour les rendre plus dociles », explique Christophe Lequart, chirurgien-dentiste et porte-parole de l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD).

Le fluor du dentifrice vs le fluor des skis

Or, « aucune étude sérieuse ne montre de lien entre le fluor et la neurotoxicité et aucun site sérieux ne dit qu’on perd du QI si on prend trop de fluor », assure Patrick Baudot, chirurgien-dentiste. Souvent, les inquiétudes viennent d’une confusion entre la molécule qui est présente dans les dentifrices et dans l’eau potable aux Etats-Unis – l’eau du robinet n’est pas supplémentée en fluor en France – et le fluor présent dans d’autres produits comme les poêles ou ;e fart fluoré sous les skis, interdit depuis 2023. « Mais ce ne sont pas les mêmes molécules, dans les skis, il s’agit de perfluorés », explique Christophe Lequart qui assure que le fluor est non seulement sans danger mais aussi « la seule molécule qui permet de prévenir l’apparition des caries ». « A une certaine dose, le fluor combiné à la structure minérale de l’émail le rend plus résistant », précise-t-il.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé précise d’ailleurs que la « mesure la plus efficace de prévention des lésions carieuses est un brossage au minimum biquotidien des dents avec un dentifrice fluoré ». Une prévention essentielle quand on sait que la carie est la maladie non transmissible la plus courante au monde, selon l’OMS.

Le risque de fluorose

Alors, certes, « au-delà d’une certaine concentration de fluor, il y a un risque de fluorose dentaire », admet Christophe Lequart qui explique qu’en trop grosses quantités « la qualité de l’émail baisse et il est plus susceptible de se carier ». En cas de fluorose, des taches blanches peuvent apparaître, voire des dents marron et, dans les cas les plus graves, un effritement des dents. « C’est vrai qu’il y a une trentaine d’années, les comprimés de fluor associés au sel fluoré, aux plats transformés qui en contiennent beaucoup et à certaines zones, naturellement fluorées, on a eu beaucoup de fluoroses », relate Patrick Baudot.

Mais le chirurgien-dentiste assure qu’à présent il observe plutôt le problème inverse. Dans sa patientèle, le médecin a plusieurs cas d’enfants dont les parents, écologistes, font leur dentifrice eux-mêmes, sans fluor. « Malheureusement, je constate une recrudescence de caries chez ces enfants-là », glisse-t-il. Au fond, l’apport de fluor « est une question d’équilibre, comme tout », assure le chirurgien-dentiste.

Mais outre-Atlantique, cette décision pourrait accentuer les inégalités. « La santé bucco-dentaire est un véritable marqueur socio-économique et les plus favorisés ont des assurances privées qui recommandent voire imposent à leurs adhérents des actes préventifs comme la pose de vernis fluorés sur les dents », explique Christophe Lequart. Retirer le fluor de l’eau du robinet pourrait donc toucher avant tout les plus précaires et « faire des ravages ».