Ce proche du président déchu a été relâché dimanche en milieu d’après-midi, selon nos informations. Il avait été arrêté dans la nuit chez lui, à Conakry.
La péripétie n’aura duré que quelques heures pour Tibou Kamara. Selon les informations de Jeune Afrique, aux alentours de 15 heures, l’ancien ministre a été relâché par les militaires putschistes après avoir passé plusieurs heures entre leurs mains, et il est désormais rentré chez lui.
L’ex-conseiller personnel d’Alpha Condé avait été réveillé à 1 heure du matin ce dimanche 19 septembre par l’irruption d’hommes cagoulés en tenue des forces spéciales chez lui, dans le quartier Camayenne, situé à l’entrée du centre-ville de Kaloum.
Téléphones confisqués
« Ils ont commencé par le rez-de-chaussée et ligoté les gardiens, puis sont allés dans le bureau de surveillance où ils ont tout saccagé. Ils ont également arraché des caméras de surveillance et sont partis avec le serveur, racontait dans la matinée son épouse Myriam Soumah Kamara à JA depuis le Maroc où elle réside. Ils ont forcé un des vigiles à leur montrer l’appartement de mon mari, qui dormait au salon avec son assistant. Ils l’ont menacé avec une arme et lui ont masqué les yeux. »
Vingt minutes plus tard, il sont revenus sur les lieux, alors que la gendarmerie avait été dépêchée pour établir un constat. « Ils se sont dirigés directement vers la chambre, sans s’adresser à personne. Ils ont fouillé les valises, les armoires et se sont emparés des biens [ordinateurs, téléphones, vêtements, argent liquide] présents sur les lieux », racontait un proche de la famille Kamara, qui a requis l’anonymat.
Tibou Kamara a alors été emmené au quartier général du Comité national de rassemblement et de développement (CNRD), installé dans une aile du Palais du peuple. On ne sait pas s’il a rencontré le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, mais son interpellation nocturne serait liée à « un coup de sang » du chef de la junte à la suite d’une « incompréhension » entre les deux hommes. Tibou Kamara n’a pas été malmené, mais ses téléphones portables ont été confisqués plusieurs heures.
L’homme de confiance du président
Fidèle d’Alpha Condé, Tibou Kamara cumulait sous la présidence de l’ancien chef de l’État les casquettes de conseiller personnel avec rang de ministre d’État, de porte-parole du gouvernement et de ministre de l’Industrie et des PME. Homme de confiance du président, il avait été un élément indispensable de la réélection contestée d’Alpha Condé à un troisième mandat.
Cet ancien journaliste, fondateur de l’hebdomadaire « L’observateur » en 2003, avait su se rapprocher des sphères du pouvoir au début des années 2000, et a depuis navigué habilement de gouvernement en gouvernement. Éphémère ministre de la Communication – un poste qu’il ne conservera que 24 heures – du Premier ministre Cellou Dalein Diallo dont il avait su rester proche, il sera ensuite nommé à la présidence du Conseil national de la communication, en 2008, par Lansana Conté, puis ministre de la Communication sous Dadis Camara.
Si lui et Alpha Condé étaient amis de longue date, les deux hommes ont néanmoins entretenu une relation en dents de scie. Tibou Kamara avait été soupçonné d’avoir joué un rôle dans l’attaque du domicile du président en juillet 2011. Il passera alors cinq ans en exil, avant qu’Alpha Condé, fraîchement réélu, l’invite à revenir en Guinée pour son investiture.
« Pas de chasse aux sorcières »
Médiateur de l’ombre aux premières heures de ce second mandat, il sera finalement nommé conseiller personnel du président début 2017, avant de rejoindre le gouvernement en 2018. Son rapprochement avec Alpha Condé s’était encore intensifié lors de la campagne pour l’élection présidentielle d’octobre 2020. Cet homme réputé intelligent et éloquent avait l’oreille du président et bénéficiait de sa protection.
Selon nos informations, Mamady Doumbouya, qui suscitait la méfiance de l’entourage du président depuis quelques mois, tenait Tibou Kamara pour responsable de cette défiance. Néanmoins, l’ancien ministre avait répondu présent à la convocation des putschistes lors d’une étrange cérémonie d’allégeance, au lendemain du coup d’État. Le lieutenant-colonel, dirigeant de l’unité d’élite des Forces spéciales, assurait alors à l’ensemble du gouvernement déchu que sa prise de pouvoir ne serait assortie d’aucun « esprit de haine, de vengeance, [ni] de chasse aux sorcières. »
Avant l’arrestation de Tibou Kamara, aucun des ministres (qui se sont vus confisquer leur passeport diplomatique et véhicules de fonction par la junte) n’avait été inquiété. Alpha Condé, qui a exprimé le désir d’être placé en résidence surveillée, est quant à lui toujours retenu par les militaires. Contacté par JA, l’entourage du CNRD n’a pas souhaité réagir officiellement.