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Comment Poutine justifie l’invasion de l’Ukraine

Le discours de Vladimir Poutine diffusé le 24 février marque le début l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. Le président russe développe une rhétorique violente contre le pouvoir à Kiev, lié aux « néonazis » et auteur d’un « génocide depuis huit ans », mais aussi contre l’OTAN et les États-Unis, « l’empire du mensonge ».

Lors de son discours du jeudi 24 février, le président russe Vladimir Poutine a dissipé le brouillard de guerre sur le rôle des dizaines de milliers de troupes russes massées aux frontières nord, est et sud de l’Ukraine en lançant une « opération militaire spéciale ».

Son discours faisait de nombreuses références historiques à la Seconde Guerre Mondiale, ou plus précisément vu de Russie, à la Grande Guerre Patriotique en mémoire de la victoire de l’Union soviétique de Staline contre l’Allemagne nazie d’Hitler, de juin 1941 à mai 1945.

Le président Poutine tient des propos extrêmement virulents et n’hésite pas à lancer des accusations infondées.

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  • La première et la plus grave des accusations est de dénoncer « un génocide commis par Kiev ».

« Il se passe un génocide de millions de personnes qui ne peuvent compter que sur la Russie », annonce le président Poutine à propos de la situation dans le Donbass. Aucune preuve ne vient étayer une telle accusation.

Poutine accuse le pouvoir de Kiev d’être liés aux « nationalistes extrémistes », qualifiés aussi de « néonazis » qui menacent de prendre le pouvoir. Il dénonce aussi « une junte anti-populaire ».

« Avec l’aval du Conseil de sécurité, j’ai décidé de mener une opération militaire spéciale. Son objectif est de protéger les personnes victimes d’intimidation et de génocide par le régime de Kiev depuis huit ans. Et pour cela, nous lutterons pour la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine. »

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Poutine fait donc un parallèle entre l’opération militaire spéciale et la guerre contre le nazisme. « En 1940, au début de 1941, l’Union soviétique tenta de retarder le début de la guerre. Il a essayé de ne pas provoquer un agresseur potentiel, il a reporté les démarches pour une éventuelle contre-action. Le pays n’était pas prêt pour l’invasion de l’Allemagne nazie. L’ennemi a été arrêté et écrasé, mais à un coût colossal. »

Dans cette logique de révisionisme historique, Poutine va jusqu’à justifier son invasion de l’Ukraine comme une volonté de ne pas répéter l’« erreur » du pacte germano-soviétique Molotov-Ribbentrop de 1940 qui scella la non-agression mutuelle de l’Allemagne nazie et de l’Union soviétique. « Essayer d’apaiser l’agresseur s’est avéré être une erreur. Au cours des premiers mois, des territoires clés et des millions de personnes ont été perdus. La deuxième fois, les erreurs ne sont pas autorisées. »

Une telle rhétorique lui permet d’appeler les soldats ukrainiens à déposer les armes en mémoire du sacrifice de leurs pères et de leurs grands-pères…

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  • La diabolisation de l’Occident, l’OTAN et les États-Unis

Si Poutine a clairement désigné l’ennemi ukrainien « néonazi » à Kiev, il n’en reste pas moins que ces « extrémistes » seraient soutenus par les pays dirigeants de l’OTAN.

D’emblée dans son discours, le président russe dénonce l’hégémonie de l’Occident et « des menaces fondamentales » qu’il fait peser sur la Russie, à savoir « l’élargissement de l’OTAN et la progression de ses infrastructures ». Poutine a une explication unique à cette situation : l’effondrement de l’Union soviétique, un événement qu’il avait par ailleurs déjà qualifié de plus grande catastrophe du 20ème siècle.

« Pratiquement partout où l’Occident vient mettre de l’ordre, il y a une effervescence du terrorisme et de l’extrémisme », a t-il affirmé.

Dans le discours de Poutine, l’Union européenne est totalement absente, comme si elle n’existait pas ou ne signifiait rien. En revanche, les États-Unis occupent toute la place en Occident. Vladimir Poutine n’a eu de cesse de vouloir traiter directement avec Washington, d’égal à égal. Dans sa critique des États-Unis, le président russe a beau jeu de s’appuyer sur la fracture au sein de la démocratie américaine après la défaite de Trump, dont le spectre hante le discours de Poutine.

« Les politiciens américains eux-mêmes disent qu’un empire du mensonge a été créé à l’intérieur des États-Unis. C’est comme ça. Mais ne soyez pas modestes, les États-Unis sont un grand pays. Non seulement les satellites sont d’accord, mais ils adoptent les règles avec enthousiasme. L’ensemble du bloc occidental – tout entier – est l’empire du mensonge. »

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  • La Russie a le devoir d’agir

Dans ce sombre tableau brossé par Poutine, non seulement la sécurité de la Russie est menacée par l’OTAN, mais de plus elle serait le seul recours pour des millions de personnes dans le Donbass.

Sur ce point, Poutine invoque le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour la Crimée, comme les « républiques populaires »  de Lougansk et Donetsk, un droit que le président russe refuse pourtant à l’Ukraine.

Poutine fait porter toute la responsabilité à Kiev de la guerre et des victimes à Kiev qu’il compte traduire en justice.

Et le président russe de lancer un avertissement à ceux qui s’opposeraient à sa volonté : « quiconque essaie de nous empêcher de l’extérieur doit savoir que la réponse sera immédiate et entraînera des conséquences que vous n’avez jamais connues. » 

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