Jeudi 24 février est une date qui restera dans l’histoire. Celle du début de l’offensive des troupes russes en Ukraine. Tout a commencé par la déclaration télévisée du président russe Vladimir Poutine avant 6 heures du matin heure de Moscou. Si les journaux papier sont forcément pris de court dans leur édition en kiosque, en revanche, tous les sites Internet de presse russes proposent une couverture en direct des événements.
Dans les médias russes sur Internet, la vidéo de la déclaration de Vladimir Poutine figure en tête. : « Les circonstances nous obligent à prendre des mesures décisives et immédiates. » Cette citation mise en exergue, par les Izvestia, semble résonner comme une justification.
« Poutine a annoncé une opération militaire spéciale »
Force est de constater que peu de journaux parlent en Une de leur site d’une guerre, et préfère citer le Donbass plutôt que l’Ukraine, reprenant la terminologie du président russe.
« Poutine a annoncé l’entrée de troupes dans le Donbass », titre le journal moscovite Kommersant. De même pour le quotidien en ligne Gazeta.ru qui suit « l’opération militaire spéciale de la Russie dans le Donbass ». Ce quotidien en ligne souligne que « selon les premières informations, des explosions sont entendues à Kiev, Kharkov, Odessa et d’autres grandes villes du pays, elles viennent des unités militaires des forces armées ukrainiennes ».
Pour la première fois en huit ans, l’artillerie ukrainienne ne frappe plus la banlieue de Donetsk
Dmitri Stechine, correspondant de la Komsomolskaïa Pravda à Donetsk
Le journal Moskovski Komsomolets précise pour sa part le début d’une « opération militaire en Ukraine et dans le Donbass ». « Poutine a fixé l’objectif : l’Ukraine doit être démilitarisée. Le président russe a appelé les militaires ukrainiens à déposer les armes. Néanmoins, la Russie n’a pas besoin dune « occupation » de l’Ukraine. Après la déclaration du président, une opération militaire massive a démarré et il est question de l’action de l’aviation militaire et de l’atillerie ».
La Komsomolskaïa Pravda, quotidien populaire et autrefois journal des jeunesses communistes, donne la parole à son correspondant à Donetsk, du côté des séparatistes pro-russes de la république éponyme désormais reconnue indépendante par Moscou. Dmitri Stechine raconte « ce qui s’est passé à Donetsk depuis le début de l’opération spéciale dans le Donbass ». Et de déclarer que : « pour la première fois en huit ans, l’artillerie ukrainienne ne frappe plus la banlieue de Donetsk ».
« Ce n’est pas une guerre » en Ukraine
Pas de doute, la guerre a commencé. Mais pas pour Guevorg Mirzaïan dans les colonnes de l’hebdomadaire Ekspert. « En Occident, on décrit déjà ce qui se passe comme « une guerre contre l’Ukraine »… « Il n’y a pas de guerre », assure ce professeur du Département des affaires médiatiques et des communications de masse de l’Université des Finances du gouvernement de la Fédération de Russie.
Pour preuve, il s’appuie sur le représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité Vassili Nebenzia qui « a déclaré précisément qu’on ne peut pas parler de de guerre mais plutôt d’une opération spéciale. Et dans le fond, il a totalement raison. »
« Premièrement parce que la Russie ne combat pas le peuple ukrainien mais « ceux qui ont pris le pouvoir à Kiev et le confisque ». Ceux qui depuis 8 ans déjà mènent une politique hostile aux Russes comme aux Ukrainiens. Ceux qui depuis 8 ans donnent l’ordre de bombarder des villes et des villages des républiques populaires de Donetsk et Lougansk. Et ceux que la Russie maintenant, selon Vladimir Poutine, traduira en justice – sans pour autant « occuper » le territoire de l’Ukraine. »
Nous publierons ce numéro de Novaïa Gazeta en deux langues – ukrainienne et russe. Parce que nous ne reconnaissons pas l’Ukraine comme un ennemi, et la langue ukrainienne comme la langue de l’ennemi. Et nous ne l’admettrons jamais.
Editorial du 24 février 2022 de Novaïa Gazeta
« Deuxièmement, cette opération spéciale est non seulement militaire, mais aussi politique dont le but n’est visiblement pas de conquérir l’Ukraine mais de tenter de changer les règles du jeu. Des règles qui doivent apporter la paix et la stabilité, du moins en à l’Europe », conclut Guevorg Mirzaïan.
« Poutine a déclaré une « opération spéciale » en Ukraine », titre pour sa part le journal indépendant Novaïa Gazeta reprenant avec des guillemets le mot utilisé par le président russe. Et de souligner que « le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé que Kiev a rompu les relations diplomatiques avec Moscou ».
Novaïa Gazeta dit Non à la guerre !
En ce jour funeste, Dmitri Mouratov le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, journal récemment auréolé du Nobel de la Paix, livre un éditorial d’une gravité exceptionnelle. Un éditorial en vidéo et retranscrit comme suit.
« Nous nous sommes tous réunis à la rédaction tôt aujourd’hui.
Nous sommes en deuil. Notre pays, sur ordre du président Poutine, a déclenché une guerre contre l’Ukraine. Et il n’y a personne pour arrêter la guerre. Par conséquent, en plus du chagrin, nous tous éprouvons de la honte.
Le commandant en chef a entre les mains le « bouton nucléaire », comme un porte-clés d’une voiture chère. La prochaine étape est-elle une frappe nucléaire ? Je ne peux pas interpréter autrement les propos de Vladimir Poutine sur l’arme de représailles.
Mais nous publierons ce numéro de Novaïa Gazeta en deux langues – ukrainienne et russe. Parce que nous ne reconnaissons pas l’Ukraine comme un ennemi, et la langue ukrainienne comme la langue de l’ennemi. Et nous ne l’admettrons jamais. Et pour finir. Seul un mouvement anti-guerre mondial peut sauver des vies sur cette planète. »
Fidèle à sa ligne indépendante, que plusieurs de ses journalistes et reporters ont payé de leur vie, Novaïa Gazeta lance cet appel unique et d’autant plus fort dans la presse russe : « Non à la guerre ! »