L’Ukraine réussira-t-elle à récupérer les chasseurs de fabrication russe qui équipe l’armée de l’Air polonaise ? La saga de cette cession se poursuit.
L’armée de l’Air ukrainienne a pris de sérieux coups depuis le début de l’invasion russe, le 24 février. Ses bases aériennes ont été bombardées, ses stations radar détruites et ses avions neutralisés en partie par des frappes air-sol ou des combats aériens contre les forces russes.
D’où un urgent besoin de s’équiper en avions de combat pour tenir le choc… Pour la petite histoire, l’entreprise américaine Air USA (spécialisée dans la formation tactique aérienne et le plastronnage), qui possède quatre Mig-29, a proposé de les céder à l’Ukraine via le gouvernement des États-Unis. Pas de réponse des autorités US pour l’instant.
Acheter des avions aux pays alliés, la seule option
Puisque l’Otan ne veut pas mettre en place une zone d’interdiction de survol (la fameuse no fly zone
), il ne reste guère que l’achat d’avions de combat aux pays alliés. Des avions de fabrication russe de préférence puisque ce type d’appareils équipe déjà l’armée de l’Air ukrainienne et que ses pilotes n’auront aucun problème de prise en main.
Qui pourrait fournir de tels appareils, en particulier des chasseurs Mig-29 ? Quelques pays d’Europe de l’Est, anciens membres du Pacte de Varsovie, disposent officiellement dans leur flotte de Mig-29 de l’ère soviétique : la Slovaquie, la Hongrie et la Pologne.
Des contreparties attendues par la Pologne
Dimanche dernier, Anthony Blinken avait déclaré que les États-Unis travaillaient activement
à un accord avec la Pologne pour l’envoi d’avions de guerre à l’Ukraine, Impossible de parler d’un calendrier mais je peux juste dire que nous regardons cela de manière très, très active
, avait-il indiqué, relançant un débat vieux de quelques jours sur une éventuelle cession d’avions de combat polonais à l’Ukraine.
Bien sûr, les Polonais, qui hésitaient à passer un tel marché de cession au profit des Ukrainiens, attendaient des contreparties, d’une part immédiates (envoi d’avions américains et otaniens pour assurer les missions jusqu’alors remplies par les appareils qui seront cédés) et d’autre part à moyen terme (livraisons de chasseurs US de type F-16 déjà en parc au sein de l’armée polonaise).
La France et l’Allemagne (qui a aussi déployé des avions en Roumanie et dans la Baltique) avaient déjà répondu à cet appel polonais puisque les deux pays effectuent actuellement des missions armées de réassurance au-dessus de la Pologne, la France avec des Rafale et l’Allemagne avec des Eurofighter.
Fin de l’hésitation polonaise…
La Pologne s’est soudainement dite prête, mardi soir, à remettre sans délai et gratuitement
tous ses Mig-29 à la disposition des États-Unis et de les déplacer sur la base de Ramstein en Allemagne. Un transfert en prélude à une cession de ces appareils à l’Ukraine.
Les autorités de la République de Pologne, après des consultations du président et du gouvernement, sont prêtes à déplacer sans délai et gratuitement tous ses avions
Mig-29 sur la base de Ramstein et à les mettre à la disposition du gouvernement des États-Unis », a annoncé le ministère polonais des Affaires étrangères dans un communiqué où il invite les autres pays de l’Otan équipés de Mig-29 de faire la même chose.
Washington pris de court
Les États-Unis se sont d’abord dits surpris »,
mardi soir, par la proposition de la Pologne de leur remettre tous ses avions Mig-29 que l’Ukraine souhaite toujours récupérer. À ma connaissance, ils ne nous avaient pas consultés préalablement
, a déclaré la numéro trois de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, lors d’une audition parlementaire. Je pense que c’est une annonce surprise de la part des Polonais
, a-t-elle ajouté.
Toutefois, dans la foulée, le Pentagone a diffusé un communiqué qui estime que l’offre polonaise n’est pas tenable
dans le contexte actuel et suscite les inquiétudes des pays membres de l’Otan. Selon le porte-parole du Pentagone, John Kirby, la perspective de voir des avions s’envoler d’une base des États-Unis et de l’Otan en Allemagne pour se rendre dans l’espace aérien contesté avec la Russie au-dessus de l’Ukraine soulève de graves préoccupations pour l’ensemble des pays de l’Otan […]. Nous continuerons de consulter la Pologne et nos autres alliés de l’Otan sur cette question et les problèmes logistiques qu’elle présente, mais nous ne pensons pas que la proposition de Varsovie est tenable
.
Volte-face à décrypter
Comment expliquer ce retournement américain ? Y a-t-il eu une annonce prématurée des Polonais, comme l’a expliqué Victoria Nuland ? C’est possible ; mais vu la volatilité de la situation, on pourrait penser que la communication est parfaitement maîtrisée.
L’hésitation fondamentale, avancée par John Kirby, sur le processus de cession à l’Ukraine constitue une autre explication. Quel pays va prendre le risque de fournir ces avions de combat à Kiev et de se mettre à dos un Kremlin déjà agressif ? Ceci étant dit, près de 25 nations fournissent ouvertement des armes à l’Ukraine ; l’argument ne tient donc qu’à moitié.
Autre facteur : des mises en garde fermes de la Russie qui peut estimer que la fourniture de MIg-29 constitue une ligne rouge puisque ces avions pourraient inverser le rapport de force aérien.
Quelles sont les conséquences possibles ? La situation des forces aériennes ukrainiennes est critique et même si elles parviennent encore à garder le contrôle d’une partie de l’espace aérien national, il semble que leurs capacités s’érodent.
Si les Russes sont maîtres du ciel, leurs hélicoptères, avions et drones n’auront plus à s’inquiéter d’une menace air-air, seulement de la menace sol-air (ce qui n’est déjà pas mal). Les Russes pourront donc soutenir plus facilement l’offensive terrestre vers Kiev et quelques grandes villes déjà encerclées.