Emmanuel Macron, qui a obtenu 27,6% des voix au premier tour selon les chiffres officiels quasi-complets, et Marine Le Pen avec 23,4%, s’affronteront au second tour de l’élection présidentielle française. À deux semaines de l’échéance, nous vous proposons une comparaison de leurs programmes en revenant sur dix points-clés.
Europe
L’Europe représente l’un de sujets principaux qui séparent Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
Le président sortant est un européiste convaincu. Alors que la France assure la présidence de l’Union Européenne (UE) jusqu’à fin juin, il se place même en chef de file des europhiles face au « retour du nationalisme ». Emmanuel Macron a par ailleurs jugé l’Europe trop absente de la campagne. Lors d’un déplacement à cinq jours du premier tour dans le Finistère, il a défendu l’action européenne, citant l’indépendance énergétique face à la Russie ou la politique de défense.
Même si les précisions de son programme ne sont pas connues, Emmanuel Macron vise somme toute à rendre l’UE plus puissante, contrairement à son adversaire.
la candidate du Rassemblement National a de son côté abandonné l’idée de sortir de l’euro et de l’UE. Dans sa nouvelle stratégie, le rejet de l’Union Européenne est moins frontal qu’en 2017. Certaines de ses positions restent contraires aux traités européens, comme la renégociation des accords de Schengen pour accentuer le contrôle des frontières.
Marine Le Pen propose ainsi une « Alliance européenne des nations », pour remplacer l’Union existante. Elle s’appuie sur les projets gouvernementaux en Pologne ou en Hongrie. L’Union n’accorderait selon elle pas assez de souveraineté à la France et aux pays membres, et cette Alliance devrait y remédier.
Immigration
Autre sujet-clé dans cette campagne au second tour : l’immigration. Ou plutôt, la lutte contre l’immigration.
Depuis 2017, Marine Le Pen a renoncé à supprimer la double-nationalité extra-européenne. Mais en dehors de cette question symbolique, ses positions sur le sujet restent les mêmes : suppression du regroupement familial, de l’aide médicale d’État (AME) et du droit du sol, restriction du droit d’asile, préférence nationale … En somme, « stopper l’immigration » et « imposer l’assimilation ». Elle prétend « remettre la France en ordre » et lutter « contre l’islamisme », en interdisant notamment le voile dans l’espace public. Emmanuel Macron a qualifié ces propositions de « programme raciste ».
Il s’est pourtant lui aussi targué de fermeté vis-à-vis des personnes migrantes au cours de son mandat. Le président-candidat veut désormais durcir les procédures d’expulsion et d’intégration des étrangers en France. Par exemple, le refus d’asile s’accompagnera automatiquement d’une obligation de quitter le territoire (une mesure déjà proposée par la droite, mais difficile à appliquer), et les titres de séjour seront plus difficiles à obtenir.
Les candidats et candidates de gauche critiquent un bilan qui bafouent les droits des migrants, particulièrement avec la loi Asile et Immigration adoptée en 2018, tandis que la droite réclame davantage de sévérité.
La politique LREM s’ancre dans une action coordonnée à l’échelle européenne, contrairement à celle de Marine Le Pen.
Afrique
À propos de l’Afrique, comme nous l’évoquions dans notre article consacré au sujet, « sans grande surprise, le sujet est étroitement associé à la question de l’immigration » dans le programme de Marine Le Pen. Elle appelle à « contrôler l’immigration » qui en est issue. Elle évoque aussi une Union Francophone, pour renforcer l’influence du pays dans le monde.
De son côté, Emmanuel Macron s’engage pour la France à « reconfigurer ses rapports avec l’Afrique », évoquant par exemple le travail de mémoire avec l’Algérie, ou l’expansion de la francophonie. Son quinquennat a surtout été marqué par l’actualité au Sahel, qualifié par beaucoup ? d’échec, en particulier après le retrait de l’opération Barkhane. La candidate RN partage cette analyse, et appelle tout de même à « renforcer la coopération (avec les pays d’Afrique, NDLR) en termes de sécurité collective et dynamiser nos partenariats économiques et culturels ».
International
Plus largement, au niveau de la politique internationale, le président sortant souhaite poursuivre « l’objectif de 2% de notre PIB en dépenses militaires » et doubler le nombre de réservistes d’ici 2027. Marine Le Pen, elle, ambitionne de « réarmer la France-puissance ». Cela passe selon elle par le retrait de l’OTAN ou encore un « effort annuel moyen de 55 milliards d’euros » pour la Défense.
Marine Le Pen a longtemps parlé de projet « d’entente » avec la Russie, une alliance présentée comme alternative à l’OTAN et à la proximité avec l’Allemagne. Avant de mesurer ses propos au sujet du président Vladimir Poutine depuis l’invasion de l’Ukraine. Elle continue toutefois à s’opposer aux sanctions prises par la France et l’Europe envers la Russie, l’embargo sur le pétrole ou le gaz russes, qui pourraient nuire au pouvoir d’achat français.
Pouvoir d’achat
L’une des questions centrales qui a mobilisé cette campagne est bien celle du pouvoir d’achat.
Plusieurs observateurs s’accordent à dire que c’est sur ce point que la candidate d’extrême-droite s’est démarquée, notamment vis-à-vis d’Éric Zemmour. Cela lui a permis de banaliser son camps politique, et de chasser sur des terrains historiquement de gauche.
Marine Le Pen affirme ainsi vouloir rendre jusqu’à « 200 euros par mois en moyenne aux familles françaises ». Pour cela, elle propose entre autres de « baisser la TVA de 20% à 5.5% sur les produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité) en tant que biens de première nécessité », de supprimer la redevance audiovisuelle, de réduire les tarifs de péages et les frais de succession,…
Elle lie ces questions à l’application de la « priorité nationale », par exemple pour l’accès au logement social, en favorisant les Français par rapport à celles et ceux qui ne le sont pas.
Emmanuel Macron la rejoint sur la redevance audiovisuelle et la baisse des droits de succession. Il promet aussi le triplement de la « prime Macron », une prime exceptionnelle que les entreprises peuvent verser aux salariés. Cette prime est désocialisée et défiscalisée. Le président sortant garantit aussi d’aider les indépendants en baissant leurs charges.
Social et retraite
Au sujet de la retraite, Marine Le Pen propose un départ entre 60 et 67 ans, en fonction de l’âge d’entrée sur le marché du travail. Emmanuel Macron veut le repousser à 65 ans, tout en promettant d’augmenter le minimum vieillesse.
Autre mesure économique reprise à la droite traditionnelle : le candidat prévoit désormais une réforme du RSA (Revenu de solidarité active). Pour pouvoir le toucher, il envisage de soumettre les allocataires à une « obligation de consacrer quinze à vingt heures par semaine » à une activité dans un but « d’insertion professionnelle ». Marine Le Pen veut pour sa part le réserver, comme les autres minimas sociaux, aux Français.
Climat
Quelle place pour la crise climatique dans le programme des deux candidats sélectionnés pour le second tour ?
Comme pour le féminisme, les associations critiquent le manque d’engagement concret du président sortant en faveur du climat, pourtant « cause du siècle ». Sur la scène internationale, Emmanuel Macron a défendu cette cause face aux États-Unis de Donald Trump, à travers l’accord de Paris (adopté sous le quinquennat de son prédécesseur) ou des initiatives comme Make our planet great again.
Il promet désormais de construire des centrales nucléaires nouvelle génération, de développer l’énergie solaire et l’éolien en mer, et d’aider à rénover 700 000 logements par an.
Si Marine Le Pen le rejoint sur le nucléaire et en partie sur la réhabilitation des logements, elle veut au contraire démanteler les éoliennes et arrêter toute nouvelle construction de parc.
Les problématiques climatiques ne sont pas au cœur de son programme ; il s’agit plutôt de défendre à travers elles l’indépendance énergétique française. Dans ce cadre, elle ambitionne aussi de soutenir le transport ferroviaire ou l’agriculture biologique.
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Égalité femmes-hommes
La candidate du Rassemblement National place la majorité de ses mesures pour les femmes dans son volet « Sécurité ». Dans sa profession de foi, elle affirme par exemple sous l’onglet « Rétablir votre sécurité et stopper l’immigration » vouloir que les harceleurs soient inclus dans le fichier des délinquants sexuels. Toujours en rapport avec l’immigration, elle propose d’expulser les étrangers qui « se livrent à ces pratiques outrageantes ».
Au-delà de la sécurité, les propositions en termes de droits des femmes de la candidate ont été davantage développées cette année. Dans l’émission Face aux françaises sur LCI, elle a évoqué la création d’un « statut pour les femmes qui travaillent et souffrent d’endométriose », ainsi qu’une contraception gratuite pour toutes – et « pas seulement pour les moins de 25 ans », comme cela a été mis en place par le gouvernement.
L’association Osez le féminisme (OLF), qui a évalué tous les programmes sur ce point, a tout de même placé Marine Le Pen dans la catégorie misogyne. L’association l’explique par certaines de ses déclarations ou son opposition à la parité, à la PMA, à l’allongement du délai d’IVG et à d’autres lois pour les droits des femmes.
« Misogyne » pour Marine Le Pen, « Féminisme washing » pour Emmanuel Macron d’après OLF. Grande cause du quinquennat, l’égalité entre les hommes et les femmes doit aussi être celle du prochain s’il est réélu. Comme pour le climat, la majorité des associations ont cependant jugé l’engagement du président insuffisant : seulement 0,25% du budget de l’État y était dédié en 2022.
Le candidat LREM a proposé cette fois le triplement du montant de l’amende pour outrages sexistes ou le doublement du nombre d’enquêteurs sur les violences intra-familiales et faites aux femmes. La création d’un fichier des auteurs de violences conjugales et un système de dépôt de plainte avaient déjà été annoncées pendant son quinquennat, sans être encore mises en place.
Éducation
Emmanuel Macron promet de poursuivre le dédoublement des classes pour l’éducation prioritaire – pour l’instant réservés aux classes de CP et CE1 – en l’appliquant du CE2 au CM2.
Marine Le Pen approuve l’idée de réduire le nombre d’élèves par classe, en particulier en grande section et CP, sans le réserver à l’éducation prioritaire. Elle demande aussi un allongement des journées de cours.
Elle dénonce cependant un « effondrement du niveau », ciblant par exemple la réforme du baccalauréat menée pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron qu’elle veut abroger. D’une manière générale, elle soutient un projet bien plus strict pour l’école, passant par le port de l’uniforme, la vidéosurveillance ou la suspension des allocations familiales aux parents d’élèves « en cas d’absentéisme avéré et de perturbations graves et répétées ».
La candidate RN promet par ailleurs une revalorisation du salaire des enseignants.
Le président sortant refuse de son côté une revalorisation générale, la conditionnant au fait que les professeurs acceptent « de nouvelles missions ». C’est une proposition rejetée par la majorité des enseignants.
Au niveau de l’enseignement supérieur, Emmanuel Macron veut développer les filières « professionnalisantes » et « réguler les filières qui ne mènent pas assez à l’emploi ». Le président sortant avait aussi sous-entendu vouloir augmenter les frais de scolarité pour tous les étudiants, en affirmant : « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ».
Marine Le Pen veut aussi favoriser l’enseignement professionnalisant, en développant un « chèque formation » versé par l’État pour les jeunes qui feraient le choix de l’alternance ou de la formation professionnelle. Et elle promet la construction de 100 000 logements étudiants, en priorisant là aussi les étudiants français.
Santé
En termes de santé enfin, Emmanuel Macron affirme vouloir recruter des infirmiers et des aides-soignants supplémentaires, notamment dans les Ehpad. Il souhaite également que les soignants aient « moins de charges administratives », pour leur permettre de gagner du temps, tout en recentrant l’hôpital sur « l’humain ».
Marine Le Pen a critiqué, comme beaucoup de candidats, la gestion gouvernementale de la crise du Covid-19. Elle demande l’arrêt des fermetures de lits à l’hôpital et dans les maternités, la revalorisation du salaire des personnels soignants, des urgences gériatriques. Pour cela, elle propose de recruter plus de médecins, de lutter contre les déserts médicaux, et de supprimer les Agences Régionales de Santé.
La candidate RN applique aussi sa politique protectionniste à ce sujet, demandant le rapatriement de la fabrication des médicaments sur le territoire. Par ailleurs, rappelons qu’elle exige l’abolition de l’AME, une protection santé pour les étrangers en situation irrégulière.