A L uneACTUALITESFAITS DIVERSinternational

Une Procureure suisse requiert 11 ans contre un sénégalais accusé de meurtre

Une altercation entre deux dealers en mai 2020 a provoqué la mort de l’un d’entre eux. Accusé de meurtre sur un homme d’origine gambienne , le prévenu, un sénégalais plaide la légitime défense. En attendant le verdict qui est prévu vendredi à 16h30, c’est la désolation au sein de la communauté sénégalaise.

C’est un conflit autour d’une zone de vente de drogues qui a viré au drame, dans le parking souterrain du port d’Ouchy à Lausanne. D’une altercation verbale puis physique, à coups de poing et de pied, la bagarre entre le prévenu, un Sénégalais de 29 ans, et la victime, un Gambien d’une trentaine d’années, s’est achevée au couteau, fatalement pour celui qui détenait l’arme blanche sur lui et qui a agressé en premier le prévenu. Ce dernier comparaissait ce mercredi devant le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne.

Les faits s’étaient déroulés le dimanche soir 31 mai 2020 dans le troisième sous-sol du parking de la Navigation peu après 21h30. Le prévenu est allé rejoindre un homme en vue d’une transaction de cocaïne, convenue par téléphone en début de soirée le même jour.

Les deux hommes se connaissaient

Un autre dealer, camarade de chambre gambien du ressortissant sénégalais dans un immeuble accueillant des migrants, l’a suivi en métro jusqu’au parking, apparemment contrarié que le prévenu se rende dans sa zone de vente. Une fois sur place, il s’en est pris au prévenu. Après une lutte physique, le Gambien a sorti un couteau de sa poche et a asséné des coups au Sénégalais, le blessant à la clavicule et aux mains.

Probablement déséquilibrés par leur lutte, les deux hommes sont tombés dans les escaliers et ont chuté sur la plateforme intermédiaire entre les 2e et 3e étages du parking. Le moment précis où le Sénégalais a réussi à récupérer le couteau n’est pas clair, avant, pendant, après la chute.

Le fait est qu’il est parvenu à le saisir et lui a asséné en retour un violent coup de couteau au niveau du thorax à gauche, lui perforant le poumon, sectionnant une artère et fracturant une côte. L’accusé s’est ensuite enfui par la cage d’escalier. La victime a succombé à ses blessures sur place. Le Sénégalais a, lui, quitté la Suisse le lendemain, via Annemasse (F), avant d’être arrêté le 29 juillet 2020 à Rotterdam aux Pays-Bas.

«Totalement effrayé»

Le prévenu fait face à plusieurs chefs d’accusation: meurtre, infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, délit et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Ce ressortissant sénégalais était établi illégalement en Suisse, exerçant une activité lucrative sans autorisation. Il trafiquait de la drogue (cocaïne, ecstasy, cannabis), selon l’acte d’accusation.

Détenu en prison depuis novembre 2020, l’accusé est arrivé menotté au tribunal et en training gris. Il a calmement affirmé n’avoir jamais eu l’intention de tuer son agresseur, que «totalement effrayé» par l’attaque au couteau de son camarade de chambre – «qui n’était pas son ami» et avec lequel il s’était déjà disputé -, il n’a cherché qu’à se défendre.

«Je regrette sa mort, je suis désolé pour sa famille. J’ai eu la malchance d’être là au mauvais endroit au mauvais moment», a notamment dit le prévenu. Son avocat a plaidé la légitime défense ou, au moins, la défense excusable. Il a rappelé que c’est la victime qui avait eu en premier l’intention «sérieuse» de «chercher le contact, d’agresser, de poignarder voire de tuer».

«Mon client n’a fait que de se défendre. Il a été confronté à une attaque sans pitié ne laissant aucune échappatoire. C’était lui ou l’autre. Et faut-il rappeler qu’il n’avait pas d’arme sur lui», a dit Marcel Waser, demandant l’acquittement.

«Force et détermination»

La procureure du Ministère public, Laurie Roccaro, a au contraire requis onze de prison ferme pour meurtre et une expulsion de quinze ans du territoire suisse. Elle a accusé le Sénégalais d’avoir cherché à «anéantir son adversaire avec force et détermination». L’intention était de tuer, de se venger, par un acte extrêmement violent, selon elle. «Sa culpabilité est très lourde».

Elle a aussi estimé que le prévenu s’était «victimisé jusqu’à l’extrême» et qu’il n’avait montré «aucune empathie pour sa victime». Mme Roccaro a aussi mis en évidence les «versions fluctuantes» de l’accusé au cours des auditions, évoquant ses «égarements, ses mensonges, ses inventions et sa mauvaise foi» et des «dénégations jusqu’au-boutistes».