L’Algérie célèbre en grande pompe ce mardi le 60ème anniversaire de son indépendance après 132 ans de colonisation française, dont la mémoire crispe toujours ses relations avec Paris en dépit des gestes symboliques de la France.
Une importante parade militaire prévue, une première depuis 33 ans
Les autorités prévoient une célébration en grande pompe de ce 60ème anniversaire avec comme point d’orgue une imposante parade militaire dans la capitale, la première depuis 33 ans.
Les éléments de l’Armée nationale populaire s’y préparent depuis quelques jours. Le défilé se déroulera sur une partie de la rocade nord d’Alger, entre Dar El Beida et la station de dessalement de l’eau de mer d’El Hamma.
Selon le programme des festivités divulgué par le ministre des Moudjahidines (anciens combattants) Laid Rebiga, un méga-spectacle épique, qui « retracera l’histoire millénaire de l’Algérie », est également prévu lundi soir à l’opéra d’Alger.
Signe de l’importance que revêt l’occasion pour le pouvoir, un logo spécial, de forme circulaire orné de 60 étoiles, a été conçu pour marquer l’anniversaire, avec comme slogan « une histoire glorieuse et une ère nouvelle ».
La Banque d’Algérie va immortaliser le 60e anniversaire de l’indépendance avec l’émission d’une nouvelle pièce de monnaie de 200 dinars.
L’indépendance a été arrachée au terme de sept ans et demi de guerre qui a fait des centaines de milliers de morts, faisant de l’Algérie la seule ex-colonie française d’Afrique dans les années 1960 à s’affranchir par les armes de la tutelle de la France.
« Dépassionner l’histoire »
Mais 60 ans après la fin de la colonisation, les plaies restent vives en Algérie alors que la France exclut toute « repentance » ou « excuses », bien que le président français Emmanuel Macron s’efforce depuis son élection d’apaiser les mémoires avec une série de gestes symboliques.
« Soixante ans après l’indépendance, n’est-il pas temps de dépassionner cette histoire? », s’interroge l’historien Amar Mohand-Amer.
La relation bilatérale semblait avoir atteint son plus bas niveau en octobre lorsque Emmanuel Macron avait affirmé que l’Algérie s’était construite après son indépendance sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire », suscitant l’ire d’Alger.
Mais les relations se sont progressivement réchauffées ces derniers mois et Emannuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune ont exprimé leur volonté de les « approfondir » lors d’un entretien téléphonique le 18 juin.
Fin avril, Abdelmadjid Tebboune avait félicité Emmanuel Macron pour sa
réélection et l’a invité à se rendre en Algérie. « Le rapide retour à une situation normale, suite à la grave crise des derniers mois (…) est en rapport avec les tensions régionales, notamment en Libye, qu’il ne faudrait pas occulter ou minimiser », décortique Amar Mohand-Amer auprès de l’AFP.
« La géopolitique régionale très instable commande des postures fortes sur le moyen et long terme et la consolidation des relations politiques et économiques entre les deux pays », ajoute l’historien.
« Instrumentation »
Le président du parti d’opposition Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Athmane Mazouz, souligne que les « relations entre le système de pouvoir en Algérie et la France officielle sont rythmées par des crises et de pseudo-retrouvailles depuis l’indépendance du pays ».
« Au stade actuel, personne ne peut parier un sou pour parler de refondation. L’instrumentation de cette relation d’un côté comme de l’autre n’échappe à personne », ajoute-t-il.
Amar Mohand-Amer redoute que la politique de réconciliation mémorielle d’Emmanuel Macron ne soit mise à rude épreuve par les récents succès électoraux du parti d’extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national, en France.
Marine Le Pen avait en effet réaffirmé en mars que « la colonisation avait contribué au développement de l’Algérie », reprochant à Emmnanuel Macron une politique consistant à « passer sa vie à s’excuser sans rien demander en contrepartie à un gouvernement algérien qui ne cesse d’insulter la France ».
« La montée fulgurante du Rassemblement national aux législatives en France n’augure rien de bon. L’extrême droite française va transformer ce mandat en un grand champ de bataille mémoriel où le révisionnisme et la falsification de l’histoire seront omniprésents », met en garde l’historien Amar Mohand-Amer.
Sur le plan intérieur, le pouvoir a mis à profit l’anniversaire pour tenter d’alléger les crispations, trois ans après avoir été ébranlé par les manifestations prodémocratie du Hirak.
Abdelmadjid Tebboune a en effet lancé en mai une initiative pour briser l’immobilisme politique en recevant à tour de rôle plusieurs dirigeants de partis politiques, y compris de l’opposition, et des responsables d’organisations syndicales et patronales.