49 militaires ivoiriens ont été arrêtés à l’aéroport de Bamako au Mali par la junte au pouvoir. Deux versions s’opposent. D’un côté, l’État malien assure qu’il s’agit de “mercenaires” envoyés pour troubler « l’ordre constitutionnel » du pays. En face, Abidjan demande leur libération immédiate. Le pouvoir ivoirien maintient qu’il s’agit de membres des forces armées envoyés pour appuyer des opérations de la MINUSMA. Qui sont ces militaires ivoiriens ?
Interpellés dimanche 10 juillet à l’aéroport de Bamako au Mali, 49 soldats originaires de Côte d’Ivoire sont actuellement retenus par les autorités maliennes. Selon leurs informations, ils ont été arrêtés à la descente d’un avion afin d’être soumis à des “vérifications”.
Bamako a ensuite expliqué qu’ils étaient soupçonnés d’être des “mercenaires” entrés de façon illégale dans le pays. Selon le gouvernement malien, les militaires ivoiriens n’avaient pas l’autorisation de se rendre au Mali et ne pouvaient pas justifier d’un ordre de mission.
Le Mali assure qu’ils n’avaient pas d’autorisation
Dès l’annonce de leur arrestation, la Côte d’Ivoire a demandé la libération “sans délai” de ses militaires. Selon la présidence ivoirienne, « aucun militaire ivoirien de ce contingent n’était en possession d’armes et de munitions de guerre ». « La Côte d’Ivoire, qui a toujours œuvré au sein des instances sous-régionales, régionales et internationales, pour la paix, la stabilité et le respect de l’État de droit, ne peut s’inscrire dans une logique de déstabilisation d’un pays tiers« , défend le gouvernement ivoirien.
Depuis plusieurs jours, les autorités maliennes assurent qu’il y a eu une « violation flagrante » du code pénal national, »incriminant les atteintes à la sûreté extérieure de l’État dont l’atteinte à l’intégrité du territoire« . Bamako affirme que le ministère malien des Affaires étrangères n’avait pas été informé par les canaux officiels de l’arrivée des soldats ivoiriens.
Des forces en soutien logisitique à la MINUSMA
Selon Abidjan, ces militaires ivoiriens sont des éléments du “support national” (NSE). Ils ne font pas partie des casques bleus et interviennent en appui de la mission de l’ONU au Mali, la MINUSMA. Toujours selon Abidjan, la présence de ses soldats, dans le cadre d’opérations de soutien logistique à la mission des Nations unies au Mali (Minusma), est « bien connue des autorités maliennes« .
D’après les informations communiquées par le gouvernement ivoirien, un mémorandum signé en 2019 avec l’ONU prévoit le déploiement d’un contingent militaire au Mali. Ces militaires sont sous contrat avec une société privée, la Sahel aviation service (SAS), qui est basée à l’aéroport de Bamako. Selon Abidjan, cette base accueille aussi des militaires de nationalité étrangère.
« La Côte d’Ivoire, pour soutenir ses deux contingents qui se trouvent à la Minusma, la compagnie de Mopti et le bataillon de Tombouctou, a eu besoin, après autorisation de l’ONU et à l’issue d’un protocole d’accord avec la société SAS (Sahelian Aviation Services), d’installer une NSE (National Support Element/éléments nationaux de soutien) à Bamako, la capitale, comme une base logistique avancée », a expliqué le colonel Armand Mahi Guezoa, conseiller opération extérieur du Chef d’État major général des Armées de Côte d’Ivoire.
Les missions de ces militaires sont claires : soutien aux troupes, sécurisation des sites militaires, aide au transport d’équipement militaire vers les bases de Tombouctou et Mopti au Mali. « Le MOU (Memorandum of Understanding) signé avec l’ONU nous autorise à détenir des armes pour nous protéger et protéger les installations qui nous abritent. Les détachements sont donc engagés avec leur armement et je vous rappelle qu’il s’agit quand même de terrorisme au Mali. », a aussi précisé le colonel Armand Mahi Guezoa. La version apportée par l’état ivorien est confirmée par l’ONU. Selon Olivier Salgado, le porte-parole de la MINUSMA, ces militaires font bel et bien partie du support national qui collabore directement avec la mission de l’ONU au Mali.
Les soldats interpellés hier dimanche à l’aéroport de #BAMAKO ne font pas partie de l’un des contingents de la #MINUSMA. Ces soldats sont déployés depuis plusieurs années au #MALI dans le cadre d’un appui logistique pour le compte de l’un de nos contingents. 1/6
— Olivier Salgado(@olivier_salgado) July 11, 2022
La junte militaire malienne opposée à la communauté internationale
Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, les autorités maliennes entretiennent des relations complexes avec la communauté internationale. En janvier, la junte avait demandé au Danemark de retirer ses troupes tout juste arrivées mais déployées « sans son consentement« . Copenhague avait dénoncé « un jeu politique sale« .
La junte au pouvoir à Bamako s’est également détournée de la France et de ses partenaires, et s’est tournée vers la Russie pour tenter d’endiguer la propagation jihadiste qui a gagné le centre du pays ainsi que le Burkina Faso et le Niger voisins. Ces violences ont fait des milliers de morts civils et militaires ainsi que des centaines de milliers de déplacés.
Fin juin, lors du renouvellement du mandat de la MINUSMA dans le pays, la junte militaire s’était opposée à certaines dispositions en vigueur. La mobilité et la libre-circulation des unités de la MINUSMA ont notamment été contestées. Alors que le contingent allemand de la MINUSMA est aussi déployé à l’aéroport de Bamako, la ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht a réagi à cette arrestation. Dénonçant ces arrestations qu’elle qualifie de “signal très problématique » et , la ministre a notamment appelé à la libération immédiate des soldats interpellés.
Deux semaines après la levée des sanctions de la CEDEAO au Mali
Les dirigeants des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont levé début juillet les sanctions imposées contre le régime militaire du Mal depuis le mois de janvier. Il s’agissait notamment d’un embargo commercial et financier imposé en janvier.
Le gouvernement de transition au Mali s’est déclaré lundi soir « satisfait » après la levée dimanche de sanctions « illégales et inhumaines« , décidées en janvier par les Etats ouest-africains après deux coups d’État dans ce pays. À cause des sanctions, des institutions comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement avaient suspendu les décaissements pour le Mali, également en défaut de paiement notamment sur le marché financier ouest-africain.
La levée des sanctions coïncide avec un calendrier électoral présenté par la junte militaire aux pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), dont fait partie la Côte d’Ivoire. Certaines mesures restrictives, à savoir des sanctions individuelles et la suspension du Mali des organes de la Cédéao, restent cependant maintenues restent en vigueur jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel dans le pays.
Le Mali, pays enclavé au cœur du Sahel, a été le théâtre de deux coups d’État militaires en août 2020 et en mai 2021. Il a récemment adopté un calendrier de transition devant permettre un retour des civils au pouvoir en mars 2024.