Le colonel Abdoulaye Maïga vient d’être nommé Premier ministre malien par intérim de la transition, pour remplacer Choguel Kokalla Maïga. Le militaire était jusque-là ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, et porte-parole du gouvernement.
Le Premier ministre malien de la transition, Choguel Kokalla Maïga, a été victime d’un accident cardiaque le 13 août – un simple malaise selon les autorités. D’après ces dernières, il a été mis en « repos forcé » par les médecins.
Le colonel Abdoulaye Maïga a été nommé par intérim ce 21 août, par le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, pour le remplacer.
Porte-parole de la rupture avec la France
Le militaire était jusque-là ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, depuis juin 2021. Un portefeuille clé pour l’organisation des élections à venir. Le 1er décembre, Abdoulaye Maïga avait également été nommé porte-parole du gouvernement.
Sa voix a porté plusieurs des annonces maliennes les plus importantes de ces derniers mois, en particulier concernant les tensions entre Bamako et Paris. À la télévision malienne, en treillis, il partageait régulièrement les communiqués officiels du gouvernement à la population.
Le colonel avait par exemple invité la ministre française des Armées Florence Parly à se taire en janvier dernier. Il répondait ainsi à l’accusation de « provocations » que la ministre avait adressé à Bamako.
En juillet, Abdoulaye Maïga avait exigé qu’Emmanuel Macron abandonne « définitivement sa posture néo-coloniale, paternaliste et condescendante ». Le président français venait d’évoquer en Guinée-Bissau la lutte jugée inefficace du gouvernement malien contre le terrorisme, et la « complicité » de la junte avec la société privée russe Wagner.
C’était encore lui qui avait demandé le retrait des troupes de l’opération militaire française Barkhane et de la force européenne Takuba du territoire malien, dénonçant les accords entre Paris, ses partenaires européens et Bamako.
Le colonel Maïga était peu connu avant de devenir le porte-parole du gouvernement. Il ne faisait pas partie du cercle des officiers qui ont pris le pouvoir par la force avec le colonel Goïta, devenu président de la transition, en août 2020.
RFI rappelle que le colonel a étudié en France et en Algérie, avant de travailler pour la Cédéao. L’organisation régionale est devenue depuis la cible des critiques des autorités maliennes, en raison des sanctions qu’elle a imposées au pays.
Un pouvoir exécutif sans civils
Selon un chercheur malien qui souhaite rester anonyme, le remplacement par un militaire de l’homme politique Choguel Kokalla Maïga (dirigeant du Mouvement patriotique pour le renouveau), pourrait aider à fédérer la classe politique en vue de la préparation des prochains scrutins. En effet, les autorités maliennes devraient organiser des élections en 2023 et 2024, d’après le calendrier le plus récent.
De nombreux partis avaient refusé de participer aux Assises nationales de la refondation fin 2021 pour préparer cette transition. Pour le chercheur, c’est notamment le signe que Choguel Maïga ne bénéficiait pas de leur confiance. En juillet, une partie de l’opposition avait même demandé la démission du Premier ministre pour pouvoir mener une transition « neutre et consensuelle ».
« On peut imaginer qu’Abdoulaye Maïga sera plus facilement accepté par certains partis, puisque c’est un militaire », complète le chercheur. Cependant, sa nomination confirme dans le même temps la mainmise des militaires sur le pouvoir exécutif malien. Jusqu’à présent, ils bénéficiaient d’une « couverture politique » avec Choguel Maïga à la tête du gouvernement.
Son départ participe aussi à « écarter encore le M5-RFP » de la scène politique, selon lui. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques avait mené la fronde contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, avant de se diviser face à la transition assurée par les militaires. Choguel Maïga était l’un des fondateurs du mouvement.
Selon l’ordre protocolaire, le ministre de la Défense Sadio Camara aurait dû remplacer le premier ministre. Mais d’après des sources maliennes et nos confrères de RFI, le ministre aurait refusé le poste.