Un Conseil européen se réunit à partir du jeudi 20 octobre pour tenter d’atténuer la flambée des prix de l’énergie.
Lancer la réforme du marché de gros de l’énergie, la France voudrait l’obtenir lors du sommet européen qui commence ce jeudi. Mais l’Allemagne s’y oppose et la Commission a déjà battu en retraite sur le mardi voyant qu’aucun consensus n’existait entre les Vingt-Sept.
Pourtant, tout le monde s’accorde sur le besoin d’atténuer la flambée des prix de l’énergie, tout en saluant le fait que le marché européen de l’électricité ait permis d’éviter jusque-là toute coupure.
Des États membres veulent découpler prix de l’électricité et du gaz
Paris et Madrid ont appelé à découpler les prix de l’électricité du marché du gaz, qui ne représente qu’un cinquième de la production en Europe. Ce système a été mis en place pour forcer les acteurs du marché à investir dans les centrales au gaz très chères à entretenir qu’on ne va utiliser qu’au moment des pointes de consommation
, note Nicolas de Warren, président de l’Union des Industries Utilisatrices d’Énergie (Uniden). Le gaz est en effet disponible à tout moment, au contraire des énergies renouvelables, et évite les coupures d’électricité.
L’Espagne et le Portugal ont obtenu en juin une dérogation pour le faire, ce qui a permis d’empêcher chez eux l’explosion des prix de l’électricité. En contrepartie, l’État a compensé auprès des producteurs leurs pertes. Grâce au fait qu’il y ait peu de connexions avec le reste de l’Europe, et donc peu d’exportations, l’Espagne n’a pas subventionné la consommation des autres pays.
C’est du reste l’argument avancé par la France : il faut que toute l’Union européenne le fasse afin d’éviter tout déséquilibre entre partenaires. Au final, ce serait soit le consommateur qui paierait directement soit l’État qui compenserait. Une solution hybride serait une compensation partielle par le budget européen
, selon Camille Defard, chercheuse en politique européenne de l’énergie à l’Institut Jacques Delors.
Neuf pays ne veulent pas casser un marché qui fonctionne bien
Neuf pays ont dit non à cette réforme, dont l’Allemagne et les Pays-Bas. D’abord par principe. Ils ne veulent pas détruire, face à une crise temporaire, un outil qui a fonctionné depuis 20 ans, avec des prix jugés compétitifs. Un alibi
selon Nicolas de Warren. Leur vrai enjeu est de baisser la consommation de gaz et de ne pas envoyer de signal contraire aux consommateurs avec une baisse artificielle des prix.
D’autant que l’Allemagne craint une pénurie de gaz pour son industrie et ses ménages alors que le pays en consomme beaucoup. C’est cette peur de la pénurie qui a poussé le gouvernement à choisir de relancer les centrales à charbon très polluantes et de prolonger la durée de vie de plusieurs centrales nucléaires.
Autre critique, certains autres pays connectés au marché européen, comme la Suisse et le Royaume-Uni, pourraient bénéficier de ces prix subventionnés
, relève la chercheuse à l’Ifri Diana Gherasim.
Le chancelier Olaf Scholz a du reste annoncé un plan de soutien énergétique de 200 milliards d’euros. Le risque avec ces plans est de ne pas atteindre les ménages les plus modestes. Et tous les autres pays européens n’ont pas forcément les moyens de l’Allemagne pour emprunter de manière aussi importante sur les marchés
, rappelle la chercheuse de l’Institut Jacques Delors.
De plus, une partie de l’industrie allemande n’a pas non plus intérêt à changer le système actuel, produisant elle-même son électricité et revendant ses excédents sur le marché. Enfin, une sortie du marché européen de l’électricité devra être compensée par la mise en place d’un mécanisme de distribution de l’énergie entre États membres. Ce qui demandera une approche plus régulée. Or, les institutions européennes actuelles n’ont pas la gouvernance qui permettrait de gérer cela au quotidien
, note la chercheuse de l’Institut Jacques Delors.
Dans ces discussions européennes, aucune solution sur la table n’aborde la contradiction fondamentale d’avoir un prix lié à une énergie fossile alors que nous avons pour objectif d’atteindre la neutralité carbone
, regrette Nicolas de Warren. Une critique reprise par Camille Defard : avec la crise climatique, l
es énergies fossiles ne seront plus bon marché de toute façon.