C’est jour de vote, au Brésil. Ce dimanche, 155 millions d’électeurs sont appelés à choisir entre Jair Bolsonaro (43 % des voix au premier tour), le président sortant, d’extrême droite, et Lula (48 % des voix), l’ancien président (2003-2011), de gauche. Rarement un scrutin aura été à ce point clivant dans le pays. De nombreux sportifs brésiliens ont donné leur point de vue.
À Laval, André Vanderlei est l’entraîneur de l’équipe de futsal (D1). Il ne vote pas ce dimanche. « Franchement, je suis content d’avoir pu offrir une éducation et une culture européenne à mes enfants.. Car au Brésil, ce n’est pas la même chose », dit-il. L’abstention sera grande, prédit-il. « Il n’y a pas de candidats qui représentent vraiment l’avenir du Brésil et c’est regrettable. D’ailleurs, chez nous, le vote est obligatoire, en cas d’abstention il y a une amende, et si elle n’est pas payée, on ne peut pas obtenir son passeport ou assumer une fonction publique. Mais malgré ça, les gens préfèrent ne pas voter.
La raison principale de ce désamour ? « Les gens sont dégoûtés du pouvoir. » Adelso Goncalves, volleyeur à Cesson-Saint-Brieuc, est du même avis : « Le Brésil est un « pu… » de pays, on produit de tout ! Mais malheureusement, on a un problème d’administration. Si on peut trouver quelqu’un qui peut bien gouverner, on pourrait être un pays très riche. Il y a beaucoup de « voleurs », de corruption, de déforestation notamment avec l’Amazonie. Comme il n’y a pas d’administration, de règles, tout le monde veut voler un morceau plus grand du gâteau… »
« C’est de la colère qui ressort »
André Vanderlei renchérit : « On ne protège pas notre Amazonie (parcelles mises en vente), et on a investi dans des nations comme le Venezuela ou Cuba, sans retour. On a eu des présidents qui ne veulent pas aider les autres, mais s’aider eux, qui privilégient l’investissement privé au public. Pourtant, on a une richesse énorme, mais on ne grandit pas aussi vite que les autres nations similaires. On est trop loin de notre potentiel : 60e mondial dans l’éducation, 125e sur la santé, un PIB et une croissance qui peinent à prendre de l’ampleur, et une société où la violence est devenue banale… »
Un sentiment partagé par Thiago Monteiro, ancien pongiste d’Argentan, qui joue désormais à Istres. « Le Brésil est un pays avec beaucoup d’inégalités, très peu de riches, beaucoup de pauvres. On exporte beaucoup de matières premières, alimentaires, la faim dans le pays ça n’est pas normal. Je regarde donc ce que les candidats veulent faire pour régler ce problème de pauvreté extrême, la faim, ce qu’il veut faire pour l’inclusion sociale. »
Cette élection ne les emballe guère. « C’est un peu comme choisir entre la Peste et le Choléra, entre le mauvais ou le plus mauvais. Depuis seize ans, rien ne bouge. Face à cette gestion ratée dans son ensemble, c’est de la colère qui en ressort », dit Vanderlei.
Adelso Goncalves : « Bolsonaro, c’est terrible, il est raciste, et même pire. Et Lula est resté en prison cinq mois. Donc on va choisir quoi ? La seule chose qu’ils sont en train de faire est de se disputer, en accusant l’autre de voleur, de narcissique, ou de raciste. Quand tu regardes leur programme, c’est horrible… Je suis neutre. » Pourtant, selon lui, « on a eu de bons candidats, mais ils n’ont pas fait plus de 5 % parce que les médias ne se sont focalisés que sur Bolsonaro et Lula. Les médias ont vraiment créé un duel entre les deux. Et comme les personnes n’ont pas accès à l’éducation, à toutes les informations, c’est compliqué de voter pour d’autres candidats… »
« Bolsonaro tient des propos très agressifs »
Fabio Marques est également volleyeur à Cesson-Saint-Brieuc. Lui penche pour « Lula. L’actuel président a promis beaucoup de choses, mais n’a rien fait. Il n’y a pas beaucoup d’options. Je vais voter pour l’autre en espérant qu’il fasse quelque chose à son arrivée. Ma famille pense un peu comme moi. Après les quatre ans passés où tout a augmenté, le prix de la vie, etc. Il y a un besoin de changer. »
Idem pour Thiago Monteiro : « À l’extrême droite, l’actuel président tient lui-même des propos très agressifs envers les personnes qui ne pensent pas comme lui. Les gens de son camp se sentent donc libres d’être eux-mêmes agressifs dans leurs commentaires, dans leurs attitudes. De l’autre côté, Lula, même s’il a perdu des élections par le passé, n’a pas ce comportement. Le président actuel dépasse tout ce qu’on a vu avant. Pour moi et ma famille, il est hors de question que le président actuel continue. Le Brésil mérite mieux. On ne pensait pas être un pays d’extrême droite, le pays est trop diversifié. Il manque de respect envers les femmes. Il est clair que je suis contre lui. J’espère que ce dimanche, l’actuel président ne sera pas réélu. En quatre ans, on n’a pas vu d’amélioration. » Lui dit qu’il ne s’agit pas d’un vote par défaut : « Cet argument est beaucoup utilisé. Mais moi, je sais ce qui m’amène à choisir un président. Lula n’est pas un choix par défaut… »
« Des familles sont en train de se disputer »
Au Brésil, le pays est coupé en deux. « C’est une situation difficile à vivre. Parler de politique n’a jamais été aussi compliqué avec des opinions divergentes. Je n’ai jamais connu une situation aussi extrême. Des amis de longue date peuvent s’éloigner. Moi, aujourd’hui, j’ai des amis avec qui j’évite de parler des élections, on échange sur d’autres sujets… », lâche Thiago Monteiro. Les familles aussi peuvent être en froid. Le climat est délétère. « Je connais des potes à moi pour qui leurs familles sont en train de se disputer » , raconte Adelso Goncalves. Heureusement, nous, dans notre famille, on a grandi en pensant que les politiques, c’est important, mais ce n’est pas eux qui feront tout pour nous. Lors d’un déjeuner du dimanche, il n’y a jamais de disputes, on met jamais la politique sur la table… »
Thiago Monteiro craint que la situation soit tendue, lundi matin. « Si Bolsonaro n’est pas réélu, oui, j’ai peur qu’il n’accepte pas les résultats et que ça puisse dégénérer, avec des personnes armées qui se sentent le droit d’agresser des gens qui pensent différemment. »
