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Etats-Unis. « bombe cyclonique » : Une tempête qui ne survient qu’une fois par génération fait déjà des victimes…

Chutes de neige, vent, températures en forte baisse : les États-Unis connaissent un phénomène météorologique extrême sur une grande partie de ses territoires, qui sème la pagaille pendant les fêtes de Noël et a déjà fait plusieurs morts. Cette « tempête qui ne survient qu’une fois par génération » est qualifiée de « bombe cyclonique» , mais pourquoi ?

Xynthia animated small.gifEN IMAGES. Une "bombe cyclonique" ensevelit l'est des Etats-Unis sous la  neige et la glace

Une puissante tempêt de neige avec des températures dangereusement glaciales et des vents hurlants frappe les États-Unis depuis le mercredi 21 décembre 2022. La tempête a commencé à se former dans la nuit, elle devrait se renforcer jusqu’à vendredi et perdurer durant le week-end de Noël, amenant avec elle des températures extrêmement basses, des chutes de neige et des vents puissants sur une grande partie du nord et de l’est du pays, selon le service météorologique américain (NWS).

Au moins trois personnes sont mortes dans l’Oklahoma, des centaines de vols intérieurs ont déjà été annulés ce jeudi et des automobilistes se retrouvent bloqués sur la route. Plusieurs États, comme l’Oklahoma et le Kentucky, ont déjà déclaré l’état d’urgence et le président Joe Biden a exhorté les Américains : « S’il vous plaît, prenez cette tempête extrêmement au sérieux. » Pour qualifier ce phénomène météorologique, « ne survenant qu’une fois par génération » selon le NWS, le terme de « tempête cyclonique » revient souvent. Mais que signifient exactement ces termes météorologiques ?

Une chute rapide de la pression en l’espace de 24 heures

Les spécialistes parlent également d’une « cyclogenèse explosive », car il s’agit bien d’un processus. Grosso modo, il s’agit d’une tempête qui se renforce rapidement.

Pour rappel, un cyclone (tempête non tropicale ou ouragan) est essentiellement une colonne d’air montante géante qui tourne dans le sens antihoraire au-dessus de l’hémisphère nord. Lorsque l’air monte, il produit un effet de vide qui se traduit par une baisse de la pression atmosphérique.

Lorsqu’une tempête se renforce, la colonne d’air monte à un rythme de plus en plus rapide et la pression à l’intérieur de la tempête diminue. Et c’est là que la particularité de la « bombe cyclonique » réside : « Les tempêtes, ce sont toujours des zones où la pression atmosphérique est plus basse, mais dans ce cas, la pression atmosphérique diminue très rapidement, nous explique Yann Amice, météorologue pour  Weather’n’Co. Là on va avoir une pression qui va chuter de manière très importante, on va passer de 1013 hectopascal (hPa) à 978 hPa en seulement 24 heures, donc globalement, ça fait 35 à 40 hectopascals en un jour. C’est ce qu’on appelle une cyclogenèse explosive. » Un différentiel bien supérieur au minimum requis pour parler de « bombe cyclonique », qui est de 24 hPa ou plus en 24 heures.

Une tempête peut donc avoir une pression atmosphérique très basse – autour de 960 hPa -, sans être pour autant des « bombes cycloniques ». Ce n’est pas la pression la plus basse qui définit le processus de « cyclogenèse explosive », mais plutôt la rapidité avec laquelle la pression à l’intérieur de la tempête chute.

Un terme parfois employé à tort et à travers

Concernant la tempête en cours aux États-Unis, il s’agit d’un exemple particulièrement violent. Elle est d’ailleurs inédite depuis plus de trente ans, a souligné le Weather National Service, l’équivalent de Météo-France.

À titre de comparaison, la super tempête de 1993, ou tempête du siècle, qui s’était déroulé du 12 au 13 mars, était descendue de 996 hPa à 963 hPa, soit près 33 hPa en 24 heures.

Et concernant la tempête en cours aux États-Unis, une nouvelle fois, le processus a débuté au-dessus du continent : « Ce qui est le plus dangereux, c’est que cette cyclogénèse prend naissance sur terre. On va avoir des vagues sur les Grands Lacs pour vous dire… », explique Yann Amice.

Autre particularité, la température, qui a baissé (très) brutalement sur une partie du territoire américain : « Il y a eu une invasion d’air polaire sur les États-Unis. À Denver par exemple, on est passé de 10 oC à 14 h, à -23 oC à 21 h, soit une différence de 33 degrés en sept heures ! »

D’habitude, ce type de tempête se renforce au-dessus de l’océan, avec des températures beaucoup plus élevées. C’était par exemple le cas de Xynthia en février 2010 ou celle de la fin de décembre 1999. Les deux étaient des bombes météorologiques qui ont causé d’importants dégâts sur le continent. Mais là, on y ajoute le froid polaire qui, combiné avec les vents violents, crée un « windchill », ou « refroidissement éolien », particulièrement dangereux. Dans les grandes lignes, il s’agit de l’effet combiné de la température et du vent, et dans le cas des États-Unis ces jours-ci, on pourra parler d’un blizzard particulièrement intense : « Concrètement, tu sors de chez toi, tu gèles. On peut rapprocher ça de ce qu’on voit dans le film Le Jour d’après », vulgarise le météorologue.

« Un froid de cette ampleur pourrait provoquer en quelques minutes des engelures sur la peau exposée, ainsi que de l’hypothermie et la mort si l’exposition est prolongée », a alerté le NWS.

Ces autres bombes cycloniques

Concrètement, ces « bombes cycloniques » ne vont pas forcément faire davantage de dégâts qu’une tempête « normale », souligne Yann Amice.

Pour citer d’autres exemples de tempêtes ayant subi ce processus de « cyclogenèse explosive » : l’ouragan Charley en 2004 et l’ouragan Wilma en 2005 ; le Blizzard de 2015 (26 au 27 janvier) ; la tempête de la mer de Béring de décembre 2015 ; la tempête Dennis, qui a touché le Royaume-Uni le 14 février 2020 ; et les tempêtes qui ont frappé le nord-est et l’ouest des États-Unis fin octobre 2021.

Routes bloquées, vols annulés, froid glacial... La tempête hivernale paralyse déjà les États-Unis

 

Déjà plusieurs morts

Des vigilances et alertes au froid ont été émises dans des portions d’au moins 26 États, selon le NWS, et s’étendent de la frontière avec le Canada jusqu’à la côte du golfe du Mexique au Texas.

Les conditions météorologiques générées sont « très dangereuses » pour se déplacer, que ce soit par la route ou par les airs, a averti le NWS.

Or, dès ce jeudi, des millions d’Américains sont attendus dans les aéroports du pays, la saison des fêtes cette année devant être « plus chargée » qu’en 2021, avec un retour « au niveau d’avant la pandémie », selon l’agence chargée de la sécurité dans les transports (TSA). Pas moins de 47 500 vols étaient prévus aux États-Unis rien que pour la journée de jeudi, selon l’autorité américaine de l’aviation (FAA). Au moins 1 540 vols avaient déjà été annulés ce jeudi matin, selon FlightAware.

Les routes aussi promettent d’être bondées, avec 102 millions d’Américains devant conduire jusqu’au lieu où ils passeront les fêtes, selon l’Association américaine de l’automobile (AAA).

Au total, environ 112 millions de personnes doivent voyager au moins 80 kilomètres entre le 23 décembre et le 2 janvier, selon cette organisation, soit le troisième niveau le plus haut depuis qu’elle a commencé ce comptage en 2000. Au moins trois personnes ont déjà perdu la vie dans des accidents de véhicules à moteur pendant la tempête, selon les autorités l’État de l’Oklahoma.