Une étude publiée le 11 janvier 2023 indique que la température des océans du globe a battu un nouveau record en 2022. Un niveau de chaleur qui n’est pas sans avoir de nombreuses répercussions environnementales, climatiques ou même économiques.
« Une nouvelle année de chaleur record pour les océans ». Le titre de l’étude publiée le 11 janvier 2023 dans le journal Advances in atmospheric sciences est on ne peut plus clair : les eaux du globe n’en finissent plus de battre des records de température.
En 2022, la quantité de chaleur contenue dans nos océans et mers s’est accrue de 10 zettajoules (soit l’équivalent de 100 fois la production mondiale d’électricité), et a ainsi battu le précédent record établi… en 2021. Des records avaient également été battus en 2020 et 2019.
Une contribution à la montée du niveau de la mer
Ce réchauffement structurel a une première conséquence, palpable jusque sur nos côtes : il contribue à faire monter le niveau des mers et des océans.
Car si la fonte des glaces continentales est responsable d’une partie de cette élévation, la hausse de la température des mers est responsable de l’autre partie, en raison d’un phénomène appelé « dilatation thermique », qui amène l’eau à occuper plus de place lorsqu’elle se réchauffe.
« Les molécules soumises à la chaleur ont tendance à s’agiter et à s’éloigner les unes des autres. Par conséquent, le volume qu’elles occupent à nombre égal est plus important lorsque la température s’élève », détaille Futura Sciences. Or, ce volume d’eau plus important ne peut techniquement se traduire que par une hausse du niveau des mers.
Des phénomènes extrêmes plus intenses
Cette chaleur accrue a aussi pour conséquence une intensification de certains phénomènes météorologiques extrêmes.
« L’accumulation de chaleur dans les océans nourrit la convection et la formation de cyclones », explique ainsi à Ouest-France Catherine Jeandel, océanographe et géochimiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). En d’autres termes : un océan plus chaud fournit plus de « carburant » aux cyclones, typhons et autres ouragans, ce qui les rend plus sévères et intenses.
Les épisodes de pluies extrêmes sont également intensifiés par le réchauffement des mers et des océans. C’est par exemple le cas des épisodes méditerranéens, qu’évoque Catherine Jeandel. « Si la Méditerranée est plus chaude que d’habitude à la fin de l’été, si elle a encaissé beaucoup de chaleur, l’évaporation va être plus importante et la masse d’air qui va être poussée par les vents vers les Cévennes et les Alpes va être plus chargée en eau. Et quand elle rencontrera une masse d’air froid, cela se fera avec plus d’intensité. » Les pluies qui s’abattront à cette occasion seront donc elles aussi plus intenses.
La biodiversité marine en souffrance
La hausse tendancielle de la température des océans a également un très fort impact sur la biodiversité marine.
Pour illustrer les risques en la matière, Catherine Jeandel reprend à nouveau l’exemple de la Méditerranée et de la vague de chaleur marine qu’elle a subie cet été. Des températures « 6 °C plus élevées que les moyennes » y ont alors été relevées, note la chercheuse, expliquant qu’une telle chaleur avait eu, pour certaines espèces de coraux méditerranéens, l’effet d’un « incendie ».
À chaque vague de chaleur marine, la biodiversité prend ainsi « un sacré coup, avec la fragilisation des espèces endémiques, des écosystèmes et des milieux de pêches », résume-t-elle.
La modification des écosystèmes ne se fait pas sans un effondrement
À plus long terme, le réchauffement des océans pousse également certains poissons à migrer, et permet l’arrivée d’autres espèces invasives, originaires d’eau traditionnellement plus chaudes. Une arrivée qui nuit aux écosystèmes locaux.
« On compte plus de 900 espèces qui sont arrivées par Suez et s’épanouissent en Méditerranée, notamment en Méditerranée orientale », recense Catherine Jeandel. Or, rappelle-t-elle, « les espèces invasives sont une cause majeure de l’effondrement de la biodiversité ». « La modification (du type d’espèces présentes dans un secteur) ne se fait pas sans un effondrement : par exemple, si le poisson-lion et le poisson-lapin broutent très vite des herbiers de posidonie (des herbes marines typiques de la Méditerranée), ça va être une véritable catastrophe pour toutes les espèces qui y sont hébergées. »
Et une telle fragilisation des écosystèmes a également un fort impact économique, note la chercheuse : « Dans le golfe du Lion, l’arrivée des crabes bleus qui mangent les anguilles oblige à basculer d’une économie à une autre, puisque les premiers mangent les secondes. »
Des océans plus chauds sont des puits de carbone moins efficaces
Le réchauffement des océans fait par ailleurs entrer la planète dans un cercle vicieux. Car si elles constituent
un formidable puits de carbone (elles ont absorbé 93 % de la chaleur émise en excès par l’humanité depuis 1970), les mers du globe sont de moins en moins aptes à jouer ce rôle lorsqu’elles se réchauffent.
Plus l’océan est chaud, moins il est capable d’absorber du CO2
« Les gaz sont moins solubles dans une eau plus chaude », rapelle à LCI Laurent Bopp, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du lien entre climat et cycle du carbone océanique. Donc, « plus l’océan est chaud, moins il est capable d’absorber du CO2 et plus une part importante de nos émissions reste dans l’atmosphère ».
S’il est par nature moins palpable que celui de l’atmosphère, le réchauffement des océans doit donc tout autant être surveillé. Sinon plus.