Le fleuve approvisionne environ 40 millions de personnes en eau et irrigue des millions d’hectares de terres arables, mais ces dernières années, son débit a baissé d’environ un tiers.
Le compromis a été arraché au forceps : l’administration Biden a annoncé, lundi 22 mai, un accord « historique » avec sept Etats de l’Ouest américain pour réduire leur consommation d’eau puisée dans le fleuve Colorado, menacé par plus de vingt ans d’une sécheresse aggravée par le réchauffement climatique.
Ce plan, annoncé après un an de négociations tendues, offre un sursis à ce cours d’eau majeur, qui prend sa source dans le massif des Rocheuses pour se jeter dans la mer de Cortez, au Mexique. Le fleuve approvisionne environ 40 millions de personnes en eau et irrigue des millions d’hectares de terres arables, mais ces dernières années, son débit a baissé d’environ un tiers : son niveau était tellement bas que l’Ouest américain risquait la catastrophe.
L’accord prévoit d’économiser 3,7 milliards de mètres cubes d’eau d’ici à 2026, selon le communiqué du ministère de l’intérieur. A cette date, de nouvelles réductions seront nécessaires. La Californie, le Nevada et l’Arizona ont accepté de réduire leur consommation d’eau en provenance du fleuve de 13 %. Les trois quarts de ce volume seront compensés par le gouvernement fédéral, qui va verser 1,2 milliard de dollars pour aider les agriculteurs et les villes à consommer moins, selon les médias américains. Le quart restant devra être économisé sans compensation.
La ministre de l’intérieur, Deb Haaland, a salué l’« engagement » de l’administration Biden pour « trouver des solutions de consensus face au changement climatique et à une sécheresse persistante ». « L’ouest des Etats-Unis entier est en première ligne face au changement climatique. Nous devons travailler ensemble pour affronter cette crise », a commenté le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, dans un communiqué.
Modèle en crise
Ce ton consensuel masque les crispations bien réelles autour du fleuve. Le partage des eaux du Colorado est réglé par un traité datant de 1922, historiquement biaisé : la surconsommation était inévitable du fait de l’estimation erronée du débit moyen du fleuve retenue comme base. Ce traité est basé sur la règle du « premier arrivé, premier servi ». Les agriculteurs de Californie peuvent ainsi tirer plus d’eau du fleuve que l’Arizona et le Nevada réunis.
Les insuffisances de ce modèle sont apparues au grand jour l’an dernier. Après vingt ans de sécheresse, les deux plus grands réservoirs de l’Ouest américain, le lac Powell et le lac Mead, ont atteint des niveaux historiquement bas. La situation était tellement critique que les autorités craignaient que leur niveau passe sous celui des turbines hydroélectriques des barrages, ce qui aurait interrompu la production d’électricité et empêché le fleuve de s’écouler en aval.
Face à cette crise, le gouvernement fédéral a d’abord demandé aux sept Etats riverains – le Wyoming, l’Utah, le Colorado, le Nouveau-Mexique, la Californie, le Nevada et l’Arizona – de s’accorder pour réduire de leur consommation d’un quart, mais les négociations se sont enlisées et les échéances fixées pour trouver un compromis ont été plusieurs fois repoussées. Les pourparlers ont tourné à l’affrontement entre la Californie, la plus avantagée par le système, et les six autres Etats, qui lui demandaient de faire la majorité des efforts.
Pour sortir de cette impasse, Washington a menacé en avril de trancher dans le vif : l’administration Biden a publiquement envisagé d’imposer des réductions de manière uniforme à la Californie, au Nevada et à l’Arizona. Cette proposition aurait complètement chamboulé la loi en vigueur depuis un siècle et probablement provoqué une longue bataille judiciaire.
L’hiver exceptionnellement pluvieux dans la région a contribué à apaiser les tensions : les coupes annoncées sont finalement moins ambitieuses que prévu, car le débit du fleuve a augmenté. Mais les scientifiques avertissent déjà que ce répit ne pourrait être que de courte durée. « Nous avons maintenant une perspective pour faire remonter le niveau de nos réservoirs à court terme », s’est félicitée, Katie Hobbs, gouverneure d’Arizona.