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Qui se Cache Derrière la force Wagner, le Bras Armé Officieux de Vladimir Poutine ?

Selon le « Times », 400 mercenaires de la force Wagner, une milice privée russe, auraient été envoyés à Kiev pour éliminer le président ukrainien et son gouvernement.

  • Alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky tient à rester à Kiev, 400 mercenaires de la force Wagner auraient été déployés dans la capitale pour éliminer l’exécutif ukrainien.
  • Ce groupe, qui officiellement n’existe pas, serait le bras armé officieux du Kremlin.
  • Fondée en 2014, cette milice aurait été créée par un ancien militaire des forces russes et serait financée par un oligarque très proche de Vladimir Poutine.

L’offensive s’intensifie. Au septième jour de l’invasion russe de l’Ukraine, les frappes meurtrières se sont succédé sur Kharkiv, la deuxième ville du pays. Le président Volodymyr Zelensky a dénoncé « un crime de guerre » et souligné que la défense de Kiev, autour de laquelle se massent des forces armées de Vladimir Poutine, était « la priorité ». La probabilité d’un assaut majeur sur la capitale, que le chef de l’Etat se refuse à quitter, semblait se renforcer d’heure en heure.

Pour le Kremlin, Zelensky est aujourd’hui l’homme à abattre. Ainsi, 400 mercenaires de la force Wagner auraient été envoyés à Kiev, rapporte nos confrères britanniques du Times, avec la mission d’éliminer Volodymyr Zelensky, son gouvernement, son cabinet, ainsi que l’ex-boxeur et maire de la capitale, Vitali Klitschko, et son frère Wladimir. Mais qui se cache derrière la force Wagner ? Si elle n’a pas d’existence officielle, il s’agit du bras armé officieux du Kremlin : fondée et dirigée par un ancien membre des forces spéciales russes, elle est financée par un oligarque ultra-proche de Poutine.

La milice fantôme du Kremlin

Pas d’enregistrement, pas d’impôts, pas d’organigramme : officiellement, la force Wagner n’existe pas. Cette société paramilitaire privée, l’une des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) que compte la Russie, est aussi puissante qu’opaque. « Le groupe Wagner représente aujourd’hui le cas emblématique des ESSD russes par sa structure « hybride », à la croisée d’une entité illégale et associé à l’État russe », analyse la Fondation pour la recherche stratégique. Un terme repris par le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qui déclarait en décembre dernier que le groupe Wagner était un « instrument de la guerre hybride menée par la Russie ». L’UE accuse Wagner d’avoir « recruté, formé et envoyé des agents militaires privés dans des zones de conflit du monde entier afin d’alimenter la violence, de piller les ressources naturelles et d’intimider les civils en violation du droit international, notamment du droit international relatif aux droits humains ».

Un CV obscur que ce groupe de mercenaires a commencé à remplir précisément en Ukraine. Car c’est là que la force Wagner a vu le jour en 2014, à l’occasion du conflit lancé par Poutine… contre l’Ukraine. Ses combattants y ont été déployés et ont participé à l’annexion de la Crimée. « L’Ukraine est l’acte fondateur du groupe Wagner », estime Sergey Sukhankin, chercheur à la Jamestown Foundation, dans un entretien à Foreign Policy. Si Moscou nie tout lien, cette milice fantôme et prédatrice en est le bras armé officieux, et intervient dans de nombreuses zones de conflit. L’UE et la France en particulier l’accusent ainsi d’agir pour le compte du Kremlin là où il ne veut pas apparaître. Wagner a ainsi opéré dans le Donbass, mais aussi en Syrie, où ses mercenaires ont formé l’armée de Bachar al-Assad. Ces dernières années, tout en maintenant une présence en Ukraine, elle s’est déployée dans plusieurs pays d’Afrique, notamment au Mali, pour y mener ce que l’UE a qualifié d’« actions de déstabilisation ».

A la tête de Wagner, un ancien des forces russes, nostalgique du IIIe Reich

Au commandement de cette force, Dimitri Outkine, ancien officier du service de renseignement militaire russe (GRU), décoré par Vladimir Poutine en personne, qui lui a remis l’Ordre du courage pour ses « faits d’armes » en Syrie. Outkine dirige non seulement cette milice mais il en est le fondateur, et l’a baptisée de son propre surnom. Car l’homme est un nostalgique du IIIe Reich. Reconnaissable à son crâne rasé et ses tatouages nazis, Outkine a pris « Wagner » pour nom de guerre alors qu’il officiait encore dans l’armée russe, en référence directe au compositeur préféré de Hitler. Avant de l’attribuer à sa milice.

Désormais, le vétéran répond au surnom de « sa Majesté noire », plutôt raccord avec les funestes missions de son groupe. En décembre dernier, le Conseil de l’UE a imposé plusieurs mesures restrictives à l’encontre d’Outkine et de plusieurs de ses collaborateurs membres de Wagner. Il a ainsi été accusé d’être « responsable de graves violations des droits de l’homme commises par le groupe, dont des actes de torture, ainsi que des exécutions et assassinats extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires », rapporte le Journal officiel de l’Union européenne.

La machine à cash de Prigojine, le « cuisinier de Poutine »

Selon l’Ifri, la force Wagner comptait 2.500 mercenaires fin 2020, soit dix fois plus qu’à sa création, et pourrait en compter jusqu’à 5.000 aujourd’hui. Et pour financer cette force qui rémunérerait chacun de ses hommes environ 3.500 euros par mois, la machine à cash serait alimentée par le milliardaire Evgueni Prigojine, qui n’a pas vraiment le profil du gendre idéal. Avant d’amasser les milliards, Prigojine a d’abord passé sa jeunesse en vivant de petits larcins, avant d’écoper en 1981 d’une peine de douze ans de prison pour « brigandage, escroquerie et incitation de mineurs à la prostitution ». A sa libération, celui qui deviendra oligarque se lance dans la restauration et emprunte la voie de la fortune et de l’influence en ouvrant à la fin des années 1990 le New Island, un bateau restaurant discothèque pour portefeuilles bien garnis, qui accueille l’élite de Saint-Petersbourg. C’est là qu’une fois élu à la tête de la Russie, Vladimir Poutine, conquis par l’endroit, emmènera dîner ses homologues, le Français Jacques Chirac, puis l’Américain George W. Bush.

Surnommé le « cuisinier de Poutine », Evgueni Prigojine s’est fait une place dans le cercle des très proches du président russe. Prigojine sert, avec sa société de restauration, les repas du Kremlin, mais aussi ceux des écoles et de l’armée russe. Des contrats juteux qui font sa fortune, dont il consacre une portion au financement de la force Wagner. Même s’il nie tout lien avec ce groupe, il a fait l’objet de sanctions infligées par l’UE.

Et ce n’est pas tout : l’oligarque a également été mis en cause aux Etats-Unis pour avoir financé « l’usine à trolls », une société qui a mené des campagnes de propagande sur Internet, lui valant d’être inculpé par le procureur Mueller dans le cadre de l’enquête sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016, remportée par Donald Trump. Prigojine figure aussi sur la liste des personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’empoisonnement en Russie de l’opposant russe Alexeï Navalny.