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«l’isolement de la Casamance ! » Société Civile et Droits de l’homme s’indignent…

Depuis les manifestations violentes du 1er juin dernier ayant fait contagion dans plusieurs régions du Sénégal, des mesures de restriction des transports sont appliquées sur la mobilité des personnes et des biens en partance ou en provenance de Ziguinchor, la principale ville du sud. L’autorité invoque des raisons de sécurité, la société civile, les cadres casamançais et les organisations des droits humains dénoncent un « isolement » manifeste de la Casamance susceptible de gonfler le volume croissant de la frustration. Les bateaux envoyés en ancrage, Dakar Dem-Dikk suspendu et la desserte aérienne limitée alors que le transport en commun passe de 9.000F à 15.000F CFA. Veille de fête de Tabaski intenable dans un contexte sécuritaire fragile.

Par arrêté N°073 en date du 04 juin 2023, le gouverneur de la région de Ziguinchor rendait public un communiqué portant restriction temporaire de la circulation sur les routes nationales N°4 et N°5 et sur la départementale N°205. En son article premier, l’autorité écrit que « pour des raisons de sécurité, les horaires de circulation sur les routes nationales N°4 et N°5 et sur la route départementale N°205 sont fixés, jusqu’à nouvel ordre comme suit : sur la route nationale N°4 (Ziguinchor/Oulampane) de 7 heures à 18 heures. Sur la route nationale N°5 (axe Bignona/Séléty) de 8 heures à 16 heures. Sur la route départementale N°205 de Diouloulou à Kafountine de 8 heures à 16 heures.

Cette décision administrative est intervenue dans le contexte de troubles socio-politiques survenus à Ziguinchor au lendemain du verdict condamnant l’opposant Ousmane Sonko à deux ans d’emprisonnement ferme, comme ce fut du reste dans plusieurs autres collectivités territoriales du Sénégal à l’image de Dakar, Mbour, Saint-Louis et ailleurs. Certains responsables de l’Alliance pour la république (parti au pouvoir), avaient déclaré que « qu’il y’en avait, parmi les manifestants, qui avaient quitté Ziguinchor pour répondre à l’appel à manifester et à marcher sur le palais de la République ». Et selon plusieurs indiscrétions, « c’est justement pour réduire la mobilité des personnes facilement enclins à faire le déplacement sur Dakar, la capitale, que cette décision a été prise ». Mais pour l’autorité administrative de Ziguinchor, « l’insécurité était devenue si grande que la restriction s’imposait ».

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La desserte maritime en ancrage, le bus Dem-Dik cloué,

L’espace aérien limité !

Aller ou revenir de Ziguinchor, la principale ville du sud, relève d’une véritable gageure. Le bateau Aline Sitoé Diatta qui assurait la navette entre Ziguinchor et Dakar n’effectue plus les rotations depuis ces événements. Sur la terre ferme, l’arrêt du service de transport routier « Dakar Dem-Dikk » en direction de Ziguinchor rend difficile la mobilité des usagers en cette veille de la principale fête musulmane, Tabaski. Certes, les restrictions sur les horaires ne semblent plus être de rigueur mais l’offre du reste des autres moyens de transport en commun des voyageurs s’amenuise et flambe de 9.000F CFA à plus de 15.000F CFA, comme le confirme Souleymane, un voyageur rencontré à la gare routière de Sédhiou et habitué de l’axe Dakar Ziguinchor.

S’agissant de la desserte aérienne, la première contrainte est antérieure aux récentes mesures et découle de la fermeture de l’aéroport de Ziguinchor au profit de celui de Cap-Skiring plus en basse Casamance (70 km de Ziguinchor). Ensuite, apprend-on de sources généralement bien informées, que les vols ne sont plus réguliers comme avant.

Pour Seydi Gassama, le directeur exécutif de la section sénégalaise de Amnesty international, « la Casamance n’a pas été plus secouée par les derniers événements que Dakar, Saint-Louis ou que Kaolack même s’il y’avait beaucoup de morts à Ziguinchor. Et à ce jour, on ne peut pas considérer que la Casamance est toujours dans un état d’insécurité. La sécurité est bien là et la vie a repris son cours normal à Ziguinchor comme dans les autres villes de la Casamance. Donc, c’est arrêt du service public du transport y est inexplicable et l’Etat doit mettre immédiatement fin à cet arrêt ».

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Société civile et droits de l’homme alertent sur l’« isolement » de la Casamance

Ce blocus de Ziguinchor qui persiste nonobstant les multiples appels à la réouverture des trafics intrigue et irrite les organisations des droits de l’homme, de la société civile et des cadres casamançais. Ainsi pour Madia Diop Sané, le coordonnateur national du Mouvement Vision Citoyenne basé à Ziguinchor, « c’est un sentiment de désolation, de frustration et d’un vibrant mécontentement sur ces mesures impopulaires. Ces restrictions nous rappellent les années où la tension causée par la crise Casamançaise était vive et que la psychose de l’insécurité régnait encore » compare-t-il aux années de braises du conflit armée dans cette partie sud du pays.Et Madia Diop Sané de poursuivre « après les nombreux efforts du Président de la République Macky Sall pour le retour au calme, au même moment où la paix semble nous bercer même au réveil, certaines mesures qui frisent le ridicule donnent l’impression de vouloir réveiller en nous des souvenir sombres. Ces restrictions n’ont pas aucune logique et non pas une raison d’être, surtout en cette veille de la fête de Tabaski ».

Madia Diop Sané de conclure que « la seule solution qui vaille, c’est la levée immédiate de ces restrictions afin de permettre aux Sénégalais de vaquer librement à leurs occupations à l’intérieur du pays. Nous ne pouvons plus continuer à vivre ces désagréments et cette perception d’être dans une zone géographique d’insécurité. Nous interpelons le Président de la République sur cette situation regrettable et qui n’honore pas le Sénégal.

Seydi Gassama, le directeur exécutif de la section sénégalaise d’Amnesty International, n’y va pas par quatre chemins pour sonner l’alerte rouge sur le préjudice en cours. «En cette veille de Tabaski, les prix pour rejoindre la Casamance par voie de transport en commun est devenu prohibitif, extrêmement élevé. Et donc l’arrêt de tous ces services de transport contribue davantage à isoler, à enclaver la Casamance. Il y’a aussi d’autres préjudices énormes subis par nos voisins tels que la Gambie et la Guinée Bissau. Donc, nous appelons au retour immédiat du service des transports publics. Nous demandons aux autorités de mettre fin à l’isolement de la Casamance qui résulte justement de l’arrêt de ces services » a-t-il martelé.

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Les cadres casamançais recadrent la puissance publique !

Par la voix de son président, l’architecte et entrepreneur Pierre Goudiaby Atépa, le collectif des cadres casamançais (CCC) a déploré avec vigueur les restrictions de la mobilité en direction ou en provenance de Ziguinchor. « Le collectif cadres casamançais est d’avis que ces mesures ne correspondent pas du tout à la réalité et ont occasionné des frustrations chez les populations qui s’interrogent, et nous avec, sur la compréhension, par certaines autorités, des conséquences de frustrations enregistrées auparavant à tous les niveaux et ayant occasionné la crise de 1982 », a fait observer Pierre Goudiaby Atépa.

Halte à la stigmatisation à connotation régionaliste

Dans la parution récente d’un quotidien national de la place, il y est mention de l’arrestation de quatre jeunes étudiants originaires de la Casamance lors des manifestations dans le campus universitaire de Dakar. En quoi leur originaire serait-il un délit alors qu’à l’exemple de nombre d’autres étudiants, ce sont des jeunes régulièrement inscrits dans les facultés de Dakar. « Tous avons la lourde responsabilité historique de veiller à la paix et à la stabilité de notre cher pays, le Sénégal, un et indivisible. Ziguinchor est isolé ainsi que sa région à l’image du quartier résidentiel de son maire à Dakar. Les politiques ne doivent pas en rajouter au mal jusqu’ici vécu en Casamance tout aussi né de la frustration maladive » a déclaré Mansour Wade un habitant du quartier Santhiaba de Ziguinchor.

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L’urgence de sauver la paix contre les « forces négatives discréditées »

Appréciant ce niveau de frustration sociale assez élevé, le président du collectif des cadres casamançais Pierre Goudiaby Atépa lance un appel vibrant à l’Etat du Sénégal à lever le pied pour éviter de remplir la coupe. Et Seydi Gassama de rajouter : « aujourd’hui, la paix est revenue en Casamance et grâce aux efforts de beaucoup d’acteurs, de l’Etat lui-même, la société civile, les religieux, des pays voisins. Et l’Etat ne doit poser encore aucun acte qui crée encore des frustrations en Casamance. Ce qui aura sans doute un écho au niveau des forces négatives qui ne sont vraiment pas pour la paix en Casamance. Ce sont des forces discréditées et en perte de vitesse. Ce sont des gens qui tiennent des discours faisant comprendre que la Casamance n’est pas aimée par le reste du Sénégal. Et nous devons tous travailler pour déconstruire ce discours », souligne le directeur exécutif d’Amnesty International.

Un dispositif conséquent de sécurité n’aurait-il pas vraiment suffi ?

En lieu et place de cette propension à « isoler » Ziguinchor et sa région, le motif, dit-on, que des gens y quittent pour rejoindre Dakar lors des manifestations, ne justifie, en aucune manière, ces restrictions de la mobilité des personnes et des biens. L’asphyxie de son économie et l’austérité des conditions de vie sont sans doute susceptibles de gonfler le volume délétère des frustrations.

Pour nombre de citoyens, l’Etat devrait tout juste renforcer le dispositif de sécurité en amont comme en aval à chaque veille de manifestation publique. En outre, ajoute  Seydi Gassama d’Amnesty International «  la liberté d’aller et de venir est garantie par la Constitution du Sénégal. Quiconque a des besoins à Dakar ou à Ziguinchor doit pouvoir s’y rendre sans entrave ».

C’est à croire avec raison que le Sénégal vit un tournant décisif de son histoire politique dont la gestion requiert flegme et raison dans un contexte géopolitique assez précaire où la menace djihadiste et l’extrémisme violent frappent à la porte de l’Afrique de l’ouest. Le Sénégal d’aujourd’hui sera le Sénégal de demain : un et indivisible.

source:sudQuotidien