Depuis 2014, grâce à un mandat, le passage de la frontière des convois de l’ONU vers les zones rebelles se faisait sans autorisation de Damas. La Russie, alliée-clé de la Syrie, a posé son veto à une extension de neuf mois. Le régime de Bachar Al-Assad estime que le mécanisme est une violation de sa souveraineté.
L’ONU s’inquiète des « conditions inacceptables » posées par Damas pour utiliser le poste-frontière de Bab Al-Hawa afin d’acheminer l’aide humanitaire vitale pour des millions d’habitants des zones rebelles du nord-ouest de la Syrie, selon un document consulté vendredi 14 juillet par l’Agence France-Presse (AFP).
Les autorités syriennes ont annoncé jeudi autoriser les Nations Unis (ONU) à utiliser pour six mois ce point de passage entre la Turquie et la Syrie mais leur lettre « contient deux conditions inacceptables », estime ce document transmis au Conseil de sécurité vendredi par le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, qui s’inquiète de l’interdiction imposée de parler à des entités « désignées comme “terroristes” » et de la « supervision » de ses opérations par d’autres organisations.
L’annonce de la Syrie faisait suite à l’expiration, lundi, du mandat du mécanisme de l’ONU permettant depuis 2014 le passage de la frontière des convois des Nations unies vers les zones rebelles sans autorisation de Damas. Le Conseil de sécurité a échoué cette semaine à le prolonger, après que la Russie, alliée-clé de Damas, a mis son veto à une extension de neuf mois.
L’autorisation du gouvernement syrien « peut être une base pour la conduite légale des opérations humanitaires de l’ONU via le poste frontière de Bab Al-Hawa », estime l’OCHA. Mais alors qu’avec le mécanisme, l’ONU était à la manœuvre, le régime de Bachar Al-Assad, qui jugeait que le mécanisme constituait une violation de sa souveraineté, a posé des conditions.
« Deux conditions inacceptables »
Parmi les deux conditions jugées « inacceptables » par l’OCHA, « le gouvernement a souligné que les Nations unies ne doivent pas communiquer avec des entités désignées comme terroristes », note le document.
Or, l’ONU et ses partenaires « doivent continuer à échanger avec les acteurs étatiques et non étatiques pertinents, ce qui est opérationnellement nécessaire pour conduire des opérations humanitaires sûres et sans entraves, estime le bureau onusien. Un tel dialogue est indispensable pour obtenir un accès en toute sécurité et au bon moment aux civils dans le besoin ».
La lettre de Damas demande également une supervision par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant-Rouge arabe syrien (CARC). Une demande « ni en accord avec l’indépendance des Nations unies ni pratique, étant donné que le CICR et le CARC ne sont pas présents dans le Nord-Ouest syrien », insiste l’OCHA.
Le document de l’ONU note aussi que la demande que l’acheminement de l’aide se fasse « en pleine coopération et coordination avec le gouvernement » syrien mérite d’être étudiée et « clarifiée ».
« Non-ingérence » et « impartialité »
Plus tôt dans la journée vendredi, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, Stéphane Dujarric, avait rappelé qu’il n’y avait « pas eu de passage d’aide humanitaire de l’ONU à Bab al-Hawa » depuis l’expiration du mandat du Conseil de sécurité lundi soir.
« Nous consultons divers partenaires. Nous regardons les modalités indiquées dans la lettre », a déclaré M. Dujarric. « Les principes qui nous guident en Syrie et partout ailleurs sont notre engagement à livrer une aide humanitaire en se basant sur des principes humanitaires de non-ingérence, d’impartialité, etc. C’est la seule façon de distribuer de l’aide humanitaire », avait-il détaillé, rappelant que l’ONU a prépositionné de l’aide en Syrie dans l’hypothèse de l’expiration du mandat.
La délégation du CICR à New York a, de son côté, déclaré à l’AFP que « l’ampleur des besoins en Syrie requiert une approche complète et sans restriction ». « Nous saluons les mesures destinées à soulager le calvaire de millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie » et « nous sommes prêts à apporter du soutien dans les limites de nos capacités et avec le consentement de toutes les parties impliquées », a ajouté le CICR.
Selon l’ONU, 4 millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie, des femmes et des enfants pour la plupart, ont besoin d’aide humanitaire pour survivre après des années de conflit, de chocs économiques, d’épidémies et de pauvreté grandissante aggravée par des séismes dévastateurs. Le mécanisme qui a expiré lundi permettait d’aider 2,7 millions de personnes chaque mois.
Malgré la fermeture de Bab Al-Hawa, deux autres points de passage sont toujours opérationnels, autorisés par le président Assad après les séismes de février. Mais cette autorisation expire le 13 août. Et Bab Al-Hawa voyait transiter 85 % de l’aide humanitaire de l’ONU vers les zones rebelles.