El Hadji Malick Sy naquit vers 1855 à Gaya, dans le Walo. Il est le fils de Thierno Ousmane et de Fawade Wéllé. Son père fit une partie de ses études en Mauritanie et s’arrêta à Gaya à la recherche d’un ouvrage auprès d’un érudit du nom de Malick Sow, son homonyme. Il avait fait la connaissance et épousa Sokhna Fatimata Wade, plus connu sous le nom de Fawade Wéllé, connue par sa sainteté et sa sollicitude envers les Talibés (élèves des écoles coraniques) de la contrée. Pour eux, elle était une véritable « Ndeyi daara » (une sorte de marraine pour les apprenants). Thierno Ousmane Sy perd la vie durant un séjour au Djoloff avant même la naissance de Malick Sy. Le père de El Haji Malick laissera cependant en héritage une bibliothèque et comme testament des instructions concernant l’éducation de l’enfant à naître. Il demanda également que le nom de son marabout à Gaya, Thierno Malick Sow, soit donné à l’enfant qui naîtrait s’il était garçon. Sa mère et son oncle Alpha Mayoro Wéllé ne ménagèrent aucun effort pour l’éducation du jeune Malick.
El Hadji Malick écrit lui-même dans son ouvrage Ifhâm al munkir al – jâni : « je fus recommandé à ses détenteurs, des sciences islamiques, les plus éminents et les plus compétents par mon oncle maternel… », rapportent les hagiographes du guide de Tivaouane. C’est ainsi qu’après avoir appris le Saint Coran qu’il mémorisa tôt, il sillonna le pays de long en large pour assouvir sa soif de savoir. Une vie d’étudiant itinérant s’ouvre en lui et dura vingt-cinq longues années. Ce qui lui a permis d’asseoir de solides connaissances dans les domaines les plus variés en sciences religieuses et mêmes profanes comme les mathématiques, l’astronomie, la prosodie et la poésie. Les principaux foyers de la culture islamique d’alors l’accueillirent. C’est d’abord dans son Gaya natal où il s’initia à la théologie et à l’exégèse puis à Ndombo pour le fiqh. A Bokhol, il commença son droit qu’il alla terminer à Keur Kodé Alassane et à Taiba Sèye. Ainsi se termina le premier cycle de ses études. C’est alors que l’accueillit Saint-Louis pour l’étude de la littérature et de la grammaire auprès d’Amadou Ndiaye Mabéye. Ensuite il fit cap sur le Ndiambour, à Ndiabali chez Mor Barama Diakhaté où il étudia le Tome 1 du Khalil et Ibn Ishaq. Puis à Thilla Dramane pour le Tome 2 du Khalil et l’Alfiyya à Ngade Demba. Keur Kodé Alassane l’accueillit de nouveau pour la Risala, Thilogne ensuite pour l’Ihmirar et enfin la Mauritanie, chez Mouhammed Ali al Yaqubi pour le mysticisme. Il y reçut des capacitations (Ijaza) dans ce domaine comme dans celui des sciences exotériques comme les hadiths. Ses études qui ont duré vingt-cinq ans étaient parfois entre coupées de séjours au Walo. S’adonnant en même temps à l’agriculture, les produits de son champ de Ngambou Thilé lui permirent de faire le pèlerinage aux lieux Saints de l’Islam. El Hadji Malick avait 35 ans lorsqu’il effectue son pèlerinage à la Mecque vers 1888. Après La Mecque, il fit un périple dans d’autres cités du Moyen Orient comme Alexandrie, Jérusalem, Boukhara, Samarkand. L’occasion lui fut donnée de rencontrer des sommités intellectuelles et de nouer des relations solides avec celles-ci. Il revint chez lui avec un projet : celui de revivifier la pratique religieuse chez lui. Ce projet se déclinait en quatre points : Enseigner et fonder des daara (écoles coraniques), bâtir des mosquées, avoir un champ pour travailler la terre et gagner sa vie mais aussi avoir un lieu où il pourrait réunir les musulmans annuellement. Son projet sera concrétisé avec la formation de grands érudits qu’il envoya dans les quatre coins du Sénégal et dans certains grands pays de l’Afrique de l’Ouest. Il édifie un nombre incalculable de mosquées dont les Zawia de Tivaouane, de Dakar et de Saint-Louis.
Prédestination mystique annoncée par El Hadji Omar Tall
Cheikh Seydil Hadji Malick Sy a été tôt perçue par Cheikh Omar Tall Al Foutiyou, le grand soufi et fondateur de l’empire Toucouleur. Les deux hommes, bien que contemporains, vivant dans le même espace ne se sont jamais rencontrés physiquement. Cheikh Omar Foutiyou Tall qui a disparu en 1864 à l’âge de 67 ans, dans les falaises de Bandiagara, avait vu d’El Hadj Malick comme celui qui devait assurer à perpétuer sa succession à la tête de la Tarikha (Voie) Tijania.
On racontera que Cheikh Oumar Foutiyou Tall qui avait déjà séjourné à Gaya s’était ensuite installé à Oréfondé (dans le Fouta). Une délégation décida de faire le voyage pour le rencontrer. Mame Alpha Mayoro Wélé, frère de Sokhna Fawade Wélé, était de la délégation de six membres. La mère de Maodo remit à la délégation un pagne, en guise de cadeau à remettre au marabout Cheikh Oumar Foutiyou Tall. Arrivée à Oréfondé, un jeudi, ils ne seront reçus que le vendredi matin, jour où devait prendre fin la retraite mystique du marabout. Informé de ce projet de voyage, Cheikh Oumar Foutiyou aurait ouvert la porte et après salutations d’usage avec ses hôtes, demanda directement à Mame Alpha Mayoro Wélé, le pagne que lui avait confié sa sœur, Sokhna Fawade Wéllé, et qui lui était destiné, en guise de « Adiya » (Offrande). Cet acte impressionna la délégation, qui se demandait naturellement comment le Cheikh avait pu savoir qu’un pagne lui était offert et qui s’était entre temps retrouvé entre les mains d’un chambellan.
Un pilier de l’Islam et de la Tidjania
Quand l’offrande de Sokhna Fawade Wéllé lui fut finalement remise, il la tint à bout de bras et prononça à voix haute ces paroles prédisant un avenir luisant pour le fils de Fawade Wélé et comme le continuateur de la mission spirituelle dans la Voie de la Tijania et pour l’expansion de l’Islam. «Fouta, ô Fouta ! Toutes les personnes qui, d’Est en Ouest, du Nord au Sud, sont à la quête de d’Allah, retourneront un jour auprès du fils prodige du propriétaire de ce pagne », avait prédit El Hadji Omar Tall. L’éminent propagateur de l’Islam et de la Tijania, Maodo Malick Sy a été rappelé à Dieu en juin 1922. « C’est un pilier de la religion qui s’effondre, c’est un véritable esprit éclairé qui venait de faire défaut au monde des oulémas (kamâ khasafal qamâru), tel l’éclipse couvrant d’ombres la luminosité de la lune. ». Ce vers de Cheikh Thioro Mbacké déclaré au rappel de Dieu de Seydi El Hadji Malick Sy en cette année 1922 traduit d’une manière la place occupée par le saint homme de Tivaouane dans l’islam sénégalais. Mais le flambeau a été transmis à Serigne Babacar Sy qui a dirigé la « Hadara Tidjane » de 1922 à 1955.