Les alliés de l’Ukraine, réunis à Paris, se sont engagés à fournir plus d’armes à Kiev et à présenter sous dix jours un agenda opérationnel pour concrétiser cette aide. Emmanuel Macron a par ailleurs indiqué qu’il n’excluait pas l’idée d’envoyer des troupes pour combattre la Russie, tandis que le Premier ministre tchèque a évoqué l’achat à l’étranger d’armes destinées aux forces ukrainiennes.
Le président français Emmanuel Macron a appelé lundi 26 février 2024 les alliés de l’Ukraine réunis à Paris à un « sursaut » pour assurer la « défaite » de la Russie, annonçant de nouvelles mesures pour fournir plus d’armes à Kiev et refusant d’exclure l’option d’un envoi de troupes occidentales à l’avenir.
Cette conférence organisée à la hâte par le président français, en présence de vingt-sept autres pays, intervient à un moment critique pour l’Ukraine, en attente des armes occidentales nécessaires à sa survie.
« Nous sommes à coup sûr au moment d’un sursaut qui est nécessaire de notre part à tous », a lancé Emmanuel Macron à l’ouverture de ce sommet devant plusieurs chefs d’État et de gouvernement européens, dont l’Allemand Olaf Scholz, le Polonais Andrzej Duda et le Slovaque Robert Fico, ainsi que le chef de la diplomatie britannique David Cameron et des représentants américain et canadien.
Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky avait posé le décor à distance, déplorant n’avoir « malheureusement » reçu que 30 % du « million d’obus que l’Union européenne » a « promis » à l’Ukraine.
« Force est de constater que nous n’avions pas ce million », a répondu Emmanuel Macron en fin de soirée devant la presse, évoquant un « engagement imprudent ».
Armement et troupes
Emmanuel Macron a évoqué lundi soir un engagement à « produire plus » d’armes européennes, et a annoncé la création d’une « coalition pour les frappes dans la profondeur » afin de fournir à Kiev des « missiles et bombes de moyenne et longue portée ».
Les pays présents à l’Élysée doivent maintenant se retrouver autour des ministres français de la Défense et des Affaires étrangères pour « décliner opérationnellement » ces initiatives.
« Dans dix jours, nous aurons une réponse claire avec un agenda sérieux », a promis Emmanuel Macron, qui doit se rendre en Ukraine d’ici mi-mars.
Surtout, le président français s’est montré plus offensif que jamais lorsqu’il a été interrogé sur la possibilité que des pays occidentaux décident d’envoyer des troupes sur le sol ukrainien – une option évoquée, pour la dénoncer, par le Premier ministre slovaque.
« Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », a affirmé Emmanuel Macron, disant « assumer » une « ambiguïté stratégique ».
« La guerre contre la Russie serait une folie », a réagi sur X le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, jugeant « irresponsables » les déclarations de M. Macron.
Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a, lui, dénoncé une « inquiétante légèreté présidentielle » sur le même réseau social : « Soutenir la résistance ukrainienne oui. Entrer en guerre avec la Russie et entraîner le continent. Folie ».
Achat de munitions à l’étranger pour Kiev
Plusieurs pays européens soutiennent l’initiative tchèque pour que l’UE achète des munitions hors d’Europe pour davantage soutenir l’effort de guerre ukrainien, ont déclaré des participants à une réunion sur l’Ukraine lundi à Paris.
« L’initiative tchèque jouit d’un grand soutien de la part de plusieurs pays », a déclaré le Premier ministre tchèque Petr Fiala à la sortie de cette réunion qui a rassemblé au palais présidentiel de l’Élysée plus de 25 pays alliés de Kiev.
« C’est un message très fort envoyé à la Russie », a déclaré le dirigeant, assurant que quinze pays étaient prêts à rejoindre cette initiative qui vise à répondre à la pénurie de munitions, notamment d’obus d’artillerie, pour l’Ukraine.
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a affirmé que son pays contribuerait au plan tchèque à hauteur de « plus de 100 millions d’euros » et que « d’autres pays allaient suivre » cette voie.
« Sur les munitions, il y a cette très bonne initiative tchèque qui consiste à acheter des munitions et des obus à travers le monde pour l’Ukraine », a expliqué M. Rutte.
Saisie des intérêts d’avoirs russes gelés
L’Union européenne est d’accord pour saisir les intérêts générés par les avoirs russes gelés dans l’UE, en soutien à l’Ukraine, sans toutefois aller jusqu’à confisquer ces avoirs, a déclaré lundi 26 février 2024 un émissaire grec.
La Grande-Bretagne et les États-Unis appellent à la saisie de milliards de dollars d’actifs bancaires et autres de la Russie, mais ils se heurtent à la réticence des partenaires européens qui craignent qu’une telle mesure n’incite d’autres pays à fuir l’Occident.
Les Européens s’accordent cependant autour d’une approche plus « subtile » consistant à saisir les intérêts tirés des investissements et des actifs russes, qu’ils soient publics ou privés, pour créer un fonds pour l’Ukraine, a indiqué Spiros Lampridis, l’envoyé spécial de la Grèce pour l’Ukraine, lors d’une visite à Washington.
Dans leur communiqué samedi à l’issue d’un sommet virtuel sous présidence italienne, les dirigeants du G7 demandent à leurs gouvernements de continuer à travailler « sur toutes les voies possibles par lesquelles les actifs souverains russes pourraient être utilisés pour soutenir l’Ukraine, en conformité avec nos systèmes juridiques respectifs et le droit international ».
Une telle initiative permettrait de générer entre 50 à 60 milliards d’euros, par rapport aux 500 milliards d’euros (540 milliards de dollars) – ou probablement beaucoup plus – nécessaires à la reconstruction de l’Ukraine.
La Pologne sermonne le Congrès américain
Le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski a exhorté lundi le « speaker » (président) de la Chambre des représentants américaine à soumettre au vote l’aide militaire à l’Ukraine, à défaut de quoi il porterait la responsabilité en cas de victoire de la Russie.
« Je m’adresse à nouveau personnellement au président de la Chambre des représentants, Mike Johnson. S’il vous plaît, laissez la démocratie suivre son cours. S’il vous plaît, soumettez cette question au vote », a-t-il déclaré lors d’une visite à Washington.
« J’aimerais qu’il sache que le monde entier observe ce qu’il fera. Et si cette enveloppe budgétaire ne devait pas être adoptée et que l’Ukraine devait subir des revers sur le champ de bataille, ce sera sa responsabilité », a ajouté le ministre devant l’Atlantic Council, peu avant un entretien avec le secrétaire d’État Antony Blinken.