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Le président américain Joe Biden se dresse contre le rachat d’U.S. Steel par son concurrent japonais

Le rachat de l’aciériste américain U.S. Steel par le japonais Nippon Steel, pour près de 15 milliards de dollars, a buté jeudi sur un obstacle de taille : le président Joe Biden, en campagne pour un second mandat, s’y oppose au nom de la défense des «travailleurs » américains«U.S. Steel est une entreprise emblématique depuis plus d’un siècle, et il est vital qu’elle reste une société américaine, contrôlée et gérée depuis les États-Unis», a affirmé Joe Biden dans un communiqué. «Il est important que nous maintenions des entreprises sidérurgiques américaines solides, opérées par des travailleurs américains», a-t-il ajouté.

L’inquiétude est particulièrement forte en Pennsylvanie (nord-est), Etat dans lequel se trouve le siège d’U.S. Steel et qui sera décisif lors de l’élection présidentielle en novembre. Les deux groupes ont réagi dans un communiqué commun, affirmant avoir «confiance dans le fait que (leur) partenariat (serait) un succès» pour l’emploi et la chaîne d’approvisionnement aux États-Unis, «tout en renforçant la compétitivité de l’économie américaine et en forgeant une résistance contre les menaces de la Chine».

Dans un communiqué séparé publié vendredi, Nippon Steel s’est dit «déterminé» à réaliser cette acquisition. Il a promis de ne pas supprimer des emplois ou fermer des sites de U.S. Steel avant septembre 2026, «sous certaines conditions», et d’investir 1,4 milliard de dollars supplémentaires dans le sidérurgiste américain en cas de finalisation de la transaction.

Les deux pays «vont continuer à coopérer»

L’action U.S. Steel a terminé jeudi en baisse de 3,36% à la Bourse de New York, après avoir déjà sombré de 9,5% jeudi. En revanche le titre Nippon Steel vendredi à la Bourse de Tokyo était en hausse vers 02h30 GMT (+0,39%). Ses actionnaires n’ont jamais été enthousiastes sur ce projet d’acquisition, jugé coûteux. Cette annonce, susceptible de froisser Tokyo, intervient à l’approche d’une visite d’Etat du Premier ministre japonais Fumio Kishida à la Maison Blanche, prévue le 10 avril.

«L’alliance avec le Japon est plus solide que jamais», a assuré jeudi John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale. «Nous avons hâte de cette visite»«Le Japon et les États-Unis vont continuer à coopérer (…) pour une croissance économique durable dans la région Indo-Pacifique, le maintien et le renforcement d’une économie libre et ouverte fondée sur des règles», a réagi vendredi le porte-parole du gouvernement nippon Yoshimasa Hayashi. S’il a refusé de commenter directement les déclarations de M. Biden sur le projet Nippon Steel/U.S. Steel, Yoshimasa Hayashi semble ainsi avoir formulé une critique voilée du protectionnisme américain.

Pour Thibault Denamiel, du Centre des études internationales et stratégiques (CSIS), «il serait compréhensible» que Tokyo «soit contrarié par le manque de soutien réciproque» à cause de «pressions politiques internes». Joe Biden, qui se présente en défenseur de l’industrie américaine, s’était déjà inquiété pour la «sécurité nationale» et la «fiabilité» de l’approvisionnement en acier à l’annonce du mariage en décembre. Le républicain Donald Trump – qui, sauf surprise, sera son adversaire en novembre – a déjà promis qu’il bloquerait le rachat de U.S. Steel s’il retournait à la Maison Blanche.

Joe Biden et Donald Trump «cherchent le soutien des syndicats puissants qui pourraient faire la différence dans les cruciaux +swing states+», pouvant basculer le vote dans l’un ou l’autre camp, relève Thibault Denamiel. Les protestations syndicales et politiques se sont multipliées. Face à ces craintes, les deux sidérurgistes ont soumis fin décembre leur projet à l’agence gouvernementale chargée d’évaluer le risque des investissements étrangers pour la sécurité nationale des États-Unis, le CFIUS. Si le CFIUS considère qu’il existe un risque, il en réfère au président des États-Unis, qui prend la décision finale (validation, interdiction, feu vert sous conditions).

Le syndicat des métallurgistes opposé au projet

U.S. Steel avait lancé une revue stratégique en août 2023 après avoir reçu plusieurs offres non sollicitées pour un rachat partiel ou total. L’entreprise avait rejeté, à l’époque, une offre de son concurrent américain Cleveland-Cliffs (CLF), qui voulait une union totale pour former le seul sidérurgiste américain du top 10 mondial en volume de production (31 millions de tonnes). Cette offre avait été validée par le syndicat des métallurgistes USW.

Hostile à l’offre de Nippon Steel, le syndicat «se réjouit» de la déclaration de Joe Biden, a indiqué David McCall, son président pour l’international. «Les déclarations du président devraient mettre un terme au débat», a-t-il estimé. Sollicité, CLF n’a pas réagi. Son patron, Lourenco Goncalves, a indiqué à l’agence Bloomberg qu’il pourrait envisager une nouvelle offre, avec le soutien de l’USW, mais à un prix bien plus bas que celui du Japonais. Pour Matthew Miller, analyste de CFRA Research, le risque d’une telle opération en année électorale était élevé.

«Il est très surprenant et décevant qu’U.S. Steel ait ignoré les risques» en optant pour Nippon Steel au lieu de CLF, dont l’offre était «très proche» à 54 dollars par action, a-t-il expliqué. Le géant japonais compte débourser 55 dollars par action, soit 14,9 milliards de dollars au total (dette incluse). La finalisation était attendue, au plus tard, au troisième trimestre 2024. L’attrait d’U.S. Steel découle en particulier du fait qu’il a achevé en 2023 un coûteux plan d’investissement comprenant l’installation de fours à arc électrique au lieu de hauts-fourneaux au charbon, pour réduire son empreinte carbone.