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Israël : Benyamin Nétanyahou Annonce le Report de l’examen du Projet de Réforme de la Justice, qui fracture le Pays

Dimanche, le limogeage du ministre de la défense, Yoav Galant, qui avait plaidé publiquement pour le report, a fait descendre des milliers de personnes dans la rue. Le président, Isaac Herzog, avait appelé lundi matin le gouvernement à arrêter « immédiatement » le travail législatif sur le sujet.

Réforme de la justice en Israël : Benyamin Nétanyahou acculé par la colère de la rue

C’est une première victoire pour les opposants à la réforme de la justice en Israël. Après presque trois mois de contestation, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a annoncé lundi 27 mars en fin de journée une « pause », alors que le texte est en cours d’examen au Parlement.

« Je donne une vraie chance à un vrai dialogue [en signe] de ma volonté d’empêcher la division du peuple », a déclaré dans un discours télévisé M. Nétanyahou, qui a ajouté : « J’ai décidé d’une pause [du travail législatif sur la réforme] lors de cette session parlementaire afin de parvenir à un large accord sur la législation lors de la prochaine [session]. » Cette dernière doit s’ouvrir après les fêtes de la Pâque juive (du 5 au 13 avril).

Dans l’après-midi, Otzma Yehudit, la formation du ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, avait annoncé dans un communiqué accepter ce report en échange de la création d’une « garde nationale » placée sous l’autorité de son administration, rapporte The Times of Israel. Suprémaciste juif revendiqué, M. Ben Gvir, 46 ans, avait menacé de quitter le gouvernement en cas de suspension de la réforme.

Rapidement après l’annonce de ce report, la Histadrout, première centrale syndicale israélienne, a annoncé la fin de la grève générale décrétée le matin.

L’opposition prête à un « véritable » dialogue

Le chef de l’opposition israélienne, Yaïr Lapid, a quant à lui affirmé être « prêt à un véritable » dialogue, mais uniquement « si la législation s’arrête réellement et totalement ». « Nous avons eu de mauvaises expériences dans le passé, et nous allons donc d’abord nous assurer qu’il n’y a pas de ruse ou de bluff », a-t-il ajouté.

« Je salue [la décision de M. Nétanyahou]. Mieux vaut tard que jamais », a pour sa part réagi Benny Gantz (centre droit), une des principales figures de l’opposition. M. Gantz a également annoncé être prêt à se rendre « immédiatement », « la main tendue », à des discussions sous l’égide du président israélien, Isaac Herzog. Celui-ci a tenté, en vain jusque-là, une médiation entre partisans et opposants à la réforme de la justice.

Alliés de poids d’Israël, les Etats-Unis ont salué la pause annoncée qui « donne plus de temps pour trouver un compromis », a dit lundi la porte-parole de la Maison Blanche.

La tension était montée d’un cran dimanche après l’annonce par M. Nétanyahou du limogeage de son ministre de la défense, Yoav Galant. Ce dernier s’était prononcé publiquement la veille pour une « pause » dans la réforme afin de favoriser un dialogue avec l’opposition en vue de parvenir à un texte plus consensuel.

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Des milliers d’Israéliens étaient alors descendus spontanément dans les rues de Tel-Aviv, donnant lieu dans la nuit à des heurts avec les forces de l’ordre. Après ces incidents, le président, M. Herzog, qui joue un rôle essentiellement protocolaire, avait appelé le gouvernement à « stopper immédiatement » l’examen de la réforme au Parlement.

En Israël, Benyamin Nétanyahou annonce le report de l'examen du projet de réforme de la justice, qui fracture le pays

Des dizaines de milliers de personnes dans la rue

Lundi encore, une foule, estimée à 80 000 manifestants selon des médias israéliens, s’est rassemblée autour du Parlement à Jérusalem pour protester contre la réforme. Dans la soirée, une contre-manifestation, la première du genre, s’est tenue non loin de là, devant la Cour suprême, rassemblant plusieurs milliers de personnes. D’autres manifestations contre la réforme ont eu lieu à Tel-Aviv et à Haïfa, dans le nord d’Israël.

Pour le gouvernement de M. Nétanyahou, l’un des plus à droite de l’histoire d’Israël, la réforme vise entre autres à rééquilibrer les pouvoirs en diminuant les prérogatives de la Cour suprême, que l’exécutif juge politisée, au profit du Parlement. Les détracteurs de la réforme estiment qu’elle risque de mettre en péril les principes démocratiques en usage en Israël et craignent qu’elle n’ouvre la voie à une dérive autoritaire.

Signe des défis qui attendent encore le pays, la physicienne Shikhma Bressler, une des organisatrices du mouvement de contestation, a déclaré sur Twitter ne prendre « pour argent comptant aucun mot » de Nétanyahou.

« Tant que le travail législatif [sur la réforme] n’est pas totalement stoppé, nous manifesterons dans les rues », assure de son côté un des collectifs de la contestation, qui dénonce « une nouvelle tentative de Nétanyahou de détourner l’attention du public pour affaiblir la contestation avant d’établir une dictature ».

Les Etats-Unis « profondément préoccupés »

Lundi, les principales organisations du patronat se sont distanciées de l’appel à la grève de la grande centrale syndicale Histadrout, tout en appelant au dialogue et à « l’arrêt immédiat du processus législatif ». Malgré tout, fait très rare, des entreprises privées – banques, compagnies d’assurance, chaînes de vêtements et de restauration – ont décidé de fermer. La grève a contraint l’aéroport international Ben-Gourion à annoncer l’arrêt des vols au départ.

En plaidant pour une pause dans la réforme, le ministre de la défense avait exprimé des craintes pour la sécurité d’Israël. Ces craintes, selon M. Galant, sont liées à la participation massive de réservistes de l’armée au mouvement de protestation et à leur engagement à ne pas effectuer leurs périodes de réserve en cas de vote de la réforme judiciaire.

Les Etats-Unis se sont déclarés « profondément préoccupés », et ont souligné « la nécessité urgente d’un compromis ». Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a appelé le gouvernement israélien « à suspendre la réforme » afin de « rétablir au plus vite le calme et le dialogue avec toute la société ».