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Soudan : Raids Aériens à Khartoum, le Pays au bord d’une « catastrophe » humanitaire et sanitaire

Smoke rises above buildings after an aerial bombardment, during clashes between the paramilitary Rapid Support Forces and the army in Khartoum North, Sudan, May 1, 2023. REUTERS/Mohamed Nureldin Abdallah

Khartoum, la capitale de 5 millions d’habitants, est « survolée par les avions de combat » tandis que des tirs et des explosions résonnent lundi dans différents quartiers, selon des témoins.

Raids aériens, tirs et explosions se sont de nouveau fait entendre à Khartoum, lundi 1er mai, malgré l’annonce d’une trêve dans les combats entre l’armée et les paramilitaires qui ont conduit le Soudan au bord d’une « catastrophe  » humanitaire et s&anitaire selon l’ONU.

Les combats, qui ont fait 528 morts et 4 599 blessés selon des chiffres officiels largement sous-évalués, opposent depuis le 15 avril les deux généraux aux commandes du pays depuis leur putsch de 2021, piégeant des millions de Soudanais.

Le chef de l’armée, Abdel Fattah Al-Bourhane, et le commandant des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », avaient accepté de prolonger dimanche à minuit un cessez-le-feu de trois jours, après une médiation des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite.

Plusieurs trêves sans lendemain

Depuis le début du conflit, plusieurs trêves annoncées ont été aussitôt violées. Selon les experts, elles signifient uniquement que les couloirs sécurisés pour les évacuations des étrangers sont maintenus et que les négociations, qui ont lieu à l’étranger, se poursuivent. Jusqu’ici, les deux généraux refusent des pourparlers directs. « L’échelle et la vitesse à laquelle se déroulent les événements au Soudan [sont] sans précédent », a estimé dimanche l’ONU, qui a dépêché dans la région son responsable pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, pour tenter d’« apporter une aide immédiate » aux habitants.

Pour M. Griffiths, la « situation humanitaire atteint un point de rupture » dans le pays, l’un des plus pauvres du monde. Les pillages massifs ont « épuisé la plupart des stocks » des organisations humanitaires, a-t-il dit. Dans un pays où un tiers des habitants souffraient de la faim avant la guerre, le Programme alimentaire mondial a toutefois annoncé lundi reprendre « immédiatement ses activités », suspendues après la mort de trois de ses employés.

Une première aide humanitaire acheminée

Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la crise sanitaire déjà « bien connue » au Soudan est désormais passée à l’état de « catastrophe ». Après vingt ans d’embargo international, « le système de santé était confronté à de multiples crises, avec des infrastructures extrêmement fragiles », a expliqué Ahmed Al-Mandhari, le directeur régional de l’OMS. Aujourd’hui, dit-il, « seuls 16 % des hôpitaux de Khartoum opèrent à pleine capacité » ; les autres ont été soit bombardés, soit occupés par des belligérants ou bien n’ont plus de personnel et de stocks. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est parvenu dimanche à acheminer 8 tonnes d’aide, une première depuis le début du conflit, ce qui, a-t-il prévenu, ne soignera que « 1 500 blessés ».

L’ONU a recensé 75 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays. Au moins 20 000 ont fui vers le Tchad, des milliers d’autres vers la Centrafrique, le Soudan du Sud et l’Ethiopie. Au total, jusqu’à 270 000 personnes, selon une estimation des Nations unies, pourraient fuir les combats qui touchent douze des dix-huit Etats de ce pays de 45 millions d’habitants. Les autorités de l’Etat du Nil-Blanc, dans le sud du Soudan, ont annoncé l’arrivée de 70 000 déplacés « ces derniers jours » dans ses camps. « Plus de 800 000 personnes » pourraient fuir les combats meurtriers au Soudan, a alerté, lundi sur Twitter, Filippo Grandi, haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés.

Les habitants de la capitale, quand ils ne fuient pas, restent barricadés, essayant de survivre malgré les pénuries de nourriture, d’eau et d’électricité. L’Etat de Khartoum a donné « congé jusqu’à nouvel ordre » aux fonctionnaires, tandis que la police s’est déployée pour prévenir les pillages.

Ressortissants évacués

La Ligue arabe se réunit lundi au Caire pour discuter de la situation, après que les Emirats arabes unis, alliés du général Daglo, ont annoncé avoir appelé le chef de l’armée. Le général Bourhane a envoyé un émissaire dimanche à Riyad, qui réclame une réunion mercredi de l’Organisation de la coopération islamique.

L’ONU s’inquiète particulièrement de la situation au Darfour occidental, où une centaine de personnes ont été tuées dans des combats auxquels, selon elle, participent des civils. Cette région avait été marquée par la sanglante guerre civile déclenchée en 2003 entre la dictature d’Omar Al-Bachir et des minorités ethniques.

De nombreux pays, dont la France, l’Allemagne et les Etats-Unis, ont évacué leurs ressortissants du Soudan et plusieurs d’entre eux continuent les évacuations. Près de cinq cents personnes ont été évacuées lundi par deux navires américain et saoudien du Soudan vers l’Arabie saoudite, a appris l’Agence France-Presse auprès de plusieurs sources.

Cet « exode reflète une réalité bien sombre », les Etats-Unis comme les autres puissances ne faisant que des « efforts timides et tardifs pour arrêter les combats et aider les Soudanais », observe Alex de Waal, chercheur britannique spécialiste du Soudan. Selon lui, les Etats les plus impliqués dans ce pays, Egypte, Arabie saoudite et Emirats arabes unis en tête, n’ont jamais « voulu voir une révolution démocratique dans le monde arabe ».

Le putsch d’octobre 2021 avait refermé la parenthèse de la transition démocratique entamée à la chute en 2019 du dictateur Omar Al-Bachir. Les généraux Bourhane et Daglo, aujourd’hui en lutte pour le pouvoir, avaient fait front commun lors de ce putsch pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir. Mais des divergences sont ensuite apparues et, faute d’accord sur l’intégration des FSR dans l’armée, ont dégénéré en guerre ouverte.