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L’histoire de Elon Musk Extrait du livre ‘Les Rebelles Numériques’

Par Daniel Ichbiah & Jean-Martial Lefranc

Cette mini biographie de Elon Musk est extraite de la partie 3 du livre – Rêveurs et optimistes.

Le « Game of Thrones » de la Silicon Valley oppose quatre empires aux ambitions tentaculaires :

  • Facebook,
  • Apple,
  • Amazon
  • et Google.

Leurs quatre dirigeants s’affrontent sur tous les terrains, hardware, software, smartphones, moteurs de recherche, ventes d’applications, drones, réalité virtuelle. Ce qui est en jeu, c’est le trône de fer laissé à l’abandon suite à la mort prématurée de Steve Jobs.

Son héritier le plus probant se tient pourtant à l’écart de ces batailles de titans.

Elon Musk n’a pourtant pas choisi des défis moins ambitieux.

Avec Tesla Motors, il commence à révolutionner le monde de l’automobile au grand dam de General Motors, Ford ou autre Mercedes.

Avec son autre entreprise en croissance explosive, SpaceX, il a volé le feu sacré de la conquête spatiale aux géants Boeing et Lockheed pour devenir le premier partenaire de la NASA.

Depuis Steve Jobs avec Pixar d’un coté et Apple de l’autre, aucun entrepreneur n’avait réussi à mener de front deux aventures industrielles à même de transformer en profondeur les deux secteurs qu’Elon Musk a choisi d’investir !
Avec ses panneaux solaires que chacun peut installer sur son toit, il révolutionne l’énergie verte !

 

Thomas Edison réincarné ?

Il arrive communément que la presse américaine compare Elon Musk à Thomas Edison, le père de la révolution industrielle. C’est là une différence majeure avec Steve Jobs : si les iPhones et iPads sont « designed in California » mais fabriqués en Chine, Musk finance à coup de milliards de dollars la construction d’usines en Californie ou au Texas.

Lors d’un passage dans l’émission satirique « The Colbert Report », une sorte de « Petit Journal de Yann Barthes » américain, on a découvert Elon la personne publique : geste mesuré, verbe assuré, un visage qui rayonne d’intelligence et de confiance en soi, pommettes saillantes qui pourraient devenir sa marque de fabrique si la célébrité le rattrape comme elle a rattrapé Steve Jobs.

Elon exhale une énergie aussi précise que celle d’un laser. Ses collaborateurs parlent d’un individu sans limite, sans grand sens du contact social, capable d’aligner des semaines de cent heures de travail pour connaître dans le moindre détail les plus minuscules aspects des technologies de ses sociétés.

La fortune expresse d’un enfant de Prétoria

Elon Musk voit le jour en 1971 à Pretoria, en Afrique du Sud. Difficile de distinguer dans sa biographie une influence particulière liée à sa naissance dans le pays de l’Apartheid. Il grandit dans une famille blanche plutôt aisée et s’intéresse très vite aux livres et aux sciences plutôt qu’à l’environnement qui l’entoure. Sa mère a quitté le domicile familial et comme beaucoup d’enfants de divorcés, il fait de son ordinateur son confident le plus proche.

On le retrouve étudiant, au Canada d’abord puis aux Etats-Unis. Pas de blues de l’immigrant chez Elon Musk :

 

« Je suis venu aux Etats-Unis car c’est le pays où les gens comme moi se retrouvent pour faire ce dont ils rêvent. »

Elon Musk est admis à Stanford mais décide de renoncer à ses études supérieures pour monter sa première entreprise, Zip2 à l’aube de l’explosion de l’Internet.

Le concept de Zip2 est simple : les fournisseurs de contenus, les journaux et les magazines en particulier, vont devoir créer des sites Web pour exploiter leurs contenus sous forme numérique. Elon ajoute :

« Les journaux appartenaient à de grandes entreprises, et il me semblait qu’ils deviendraient des clients solides et solvables pour nous ».

Elon programme, vit au bureau, dort sur un futon collé contre son bureau mais les clients affluent. Il faut faire face à la croissance. Elon propose à son frère Kimbal et à leur mère de le rejoindre pour développer l’entreprise. Bientôt le prestigieux New York Times leur confie une partie de ses éditions numériques. Dell qui cherche à se diversifier dans le service Internet décide de racheter Zip2. L’affaire est rapidement conclue pour trois cent millions de dollars. Elon a vingt huit ans.

Il se remet à la tâche avec un nouveau projet dénommé X.Com. Il s’agit de créer une suite de services bancaires dématérialisés accessibles par un site Web. Il tourne autour de l’idée de mettre au point un système de paiement par email.

Un autre garçon travaille sur un sujet similaire et sur un programme qui s’appelle déjà PayPal. X.Com fusionne avec PayPal.

L’entreprise se développe rapidement comme nous le narrons dans le chapitre consacré à Peter Thiel, alors associé d’Elon Musk.

Début 2002, PayPal rentre en Bourse, fin 2002, elle est racheté par eBay pour 1,3 Milliards de dollars.

Ouf. Le garçon de Pretoria va peut être pouvoir un peu souffler. Pas du tout. Sans marquer la moindre pause, Elon est déjà parti à la poursuite de son prochain objectif : le garçon de Pretoria veut aller sur Mars, littéralement.

SpaceX : dans 20 ans sur Mars.

Si certains, comme Ray Kurzweil, se noient dans la science fiction, Elon Musk y puise une inspiration qui débouche systématiquement sur des applications pratiques. Dès avant la vente de PayPal, il a commencé à plancher sur un nouveau projet : monter une entreprise industrielle qui puisse être un concurrent privé et crédible de la NASA, la célèbre agence spatiale américaine qui a fait marcher, en juillet 1969, un homme sur la Lune.

Comme avec Zip2 ou avec PayPal, il analyse l’opportunité de manière duale : coté créatif, il rêve de concrétiser son rêve de voyage interplanétaire, coté rationnel, alors que la demande pour des lanceurs de satellites ne faiblit pas, la NASA est une administration à la dérive et le programme spatial américain est devenu un squelette.

En février 2003, quelques mois après le dépôt des statuts de SpaceX, son entreprise d’aérospatiale, Elon assiste alors qu’il regarde la télévision comme des millions d’américains, à la vaporisation de la navette spatiale Columbia au dessus du ciel du Texas. Cet événement sonne le glas du dernier programme opérationnel de la NASA. Les années qui suivent sont mortifères pour l’Agence publique : commission d’enquête du Congrès, établissement de nouvelles règles de sécurité paralysantes, réduction en cascade des budgets de recherche.

Physicien de formation, codeur autodidacte, Elon Musk ne connaît rien à la manière dont on construit les fusées. Toutefois, l’intensité de la passion qui l’habite lui procure deux atouts majeurs : d’abord il absorbe à une vitesse époustouflante les connaissances qui lui font défaut et ensuite, il insuffle un sens de l’aventure qui lui permet de recruter les meilleurs du secteur.

Le programme spatial américain a déjà largement été privatisé lorsque Musk investit le secteur. Boeing et Lockheed-Martin, les deux constructeurs d’avions de ligne pour l’un et de combat pour l’autre, se sont assurés une répartition des contrats de lancement de satellites, militaires en particulier.

Cette situation confortable leur assure une sorte de monopole qu’Elon trouve étrange. Car pour les satellites de télécommunications privés, les lanceurs les plus compétitifs se trouvent en Russie. Elon s’interroge:

« Si nous sommes capables de construire des voitures, des produits d’électroménagers ou des avions qui sont meilleurs que ceux des Russes, pourquoi avons-nous besoin d’utiliser leurs fusées pour lancer des satellites ? »

Le client de Boeing et de Lockheed est le Pentagone qui n’est pas très regardant à la dépense. Il n’est pas envisagable qu’il fasse appel aux Russes pour lancer ses satellites espions. Space X entend changer le marché en proposant des fusées low cost.

Elon a une première idée baroque : débarquer à Moscou pour négocier le rachat d’une poignée d’ICBM, les missiles intercontinentaux porteurs de bombes atomiques que les soviétiques ont produit en masse avant que la Fédération de Russie les mettent au rencard. La solution n’est pas très bien accueillie et Elon doit abandonner ce projet. Il décide que si SpaceX doit prospérer, l’entreprise doit maîtriser sa propre technologie et construire ses propres fusées de A jusque Z.

Elon conçoit alors la première pièce du puzzle : un moteur qui s’appellera le Merlin. Il explique :

 

« Je voulais construire le diesel des moteurs de fusées, le contraire d’une Ferrari. »

 

Il peut sembler contre-intuitif de chercher à faire moins performant mais meilleur marché dans un secteur si proche de l’industrie de la défense. C’est pourtant typique de l’esprit de la Silicon Valley : même une idée innovante doit pouvoir être créée et testée en bricolant à partir de briques déjà existantes.

Le moteur Merlin est fabriqué et les tests commencent. Elon présente l’engin aux experts de la NASA. Il doit obtenir leur accord pour pouvoir accéder aux centres d’essai d’où commencer à lancer ses fusées. Les experts sont intrigués : Elon a éliminé tout le superflu de l’ingénierie des moteurs pour se concentrer sur les pièces essentielles. Mieux encore : chacune peut être remplacée en un tour de main si un incident se produit. SpaceX s’est concentré sur la compétitivité de son offre, pas sur l’innovation technique.

Le moteur est finalement approuvé et la NASA accorde un crédit de 100 millions de dollars pour produire les fusées qui serviront aux essais en vol.

Elon raconte :

« Il y a toujours deux moments dans la vie d’une start up : le début où tout se passe d’abord très bien et on a l’impression que l’on va réussir très vite. Puis les problèmes commencent, les questions qui n’avaient pas été anticipées et on rentre dans la période critique. Il y a alors la période entre l’année 2 et l’année 5 où on souffre vraiment ».

La traversée du Désert survient en effet. En 2007, trois essais de mise en orbite de la première fusée Falcon 1 échouent. Elon ne sombre aucunement dans l’auto-indulgence :

 » Nous étions juste trop stupides pour comprendre comment mettre cet engin sur orbite ».

Lorsque la crise financière s’invite dans le décor, Elon a presque consommé jusqu’à son dernier sou car au même moment il a considérablement investi dans une autre entreprise à risque, un fabricant d’automobile électrique, Tesla Motors.

Le quatrième essai sera le dernier. S’il échoue, SpaceX sera placé en faillite et Elon Musk sera ruiné…

Tesla Motors : des voitures de sport électriques.

Juste après avoir revendu PayPal, Musk a commencé à s’intéresser aux automobiles électriques. Si les hybrides de Toyota connaissent un grand succès aux USA, toutes les tentatives de faire décoller une voiture entièrement électrique ont échoué. D’ailleurs, toutes les tentatives de créer un nouveau constructeur automobile face aux trois géants de Détroit, General Motors, Ford et Chrysler ont échoué depuis 1950.

Comme pour SpaceX, Elon a voulu prendre le problème à l’envers. Le segment de marché qui rapporte le plus de marge est celui des voitures de sport. Les voitures électriques ont une image négative, celle de véhicules lents à faible autonomie. Dans l’esprit du grand public, le souvenir qui persiste est celui du modèle Volt de Chevrolet, une sorte de ‘blob’ qui ne pouvait séduire qu’une poignée d’écolos de banlieue, autant dire une toute petite minorité aux Etats Unis.

Comme pour les fusées, Elon pense d’abord motorisation et avec une petite équipe met au point un moteur dont les performances sont compatibles avec l’idée d’une voiture de sport. Il fait le choix d’un moteur à courant alternatif plutôt que continu. Ce choix a été l’enjeu d’une guerre longue et difficile entre Nicola Tesla, l’inventeur du courant alternatif et Thomas Edison qui défendait l’idée du courant continu. Les voitures seront donc baptisées Tesla, même si Elon a une affection plus marquée pour Edison dont les inventions ont eu un plus grand succès commercial.

Pour la carrosserie, Tesla Motors passe un accord avec le fabricant britannique Lotus. Reste la pièce la plus importante d’une voiture électrique : les batteries. Elon décide d’équiper ses véhicules de batteries Lithium Ion, les mêmes que celles des ordinateurs portables.

Robert Lutz, l’ex patron de General Motors peste encore dans les colonnes du New Yorker :

« Tous nos génies, ici chez General Motors, nous avaient affirmés que la technologie Lithium-Ion n’aurait de sens pour des voitures que dans une dizaine d’années, Toyota partageait notre analyse. Et boum, voilà Tesla. Alors je leur ai dit : ‘Comment se fait-il qu’une minuscule start-up californienne, dirigée par des types qui ne connaissent rien du business des voitures puisse faire ça et nous pas ?’ C’était la barre à mine qui pouvait débloquer le passage. »

 

Elon Musk dévoile l’histoire secrète de Tesla

sur son compte Twitter

« Peu de gens savent que nous avons commencé Tesla lorsque GM a rappelé avec force tous les véhicules électriques de leurs clients en 2003 et les a démoli dans une casse.»

« Ils l’ont fait à l’encontre de la volonté de leurs clients, qui ont veillé pour protester contre la mort de leurs voitures. »

« Alors que les grands constructeurs automobiles tuaient tous leurs programmes de véhicules électriques, la seule chance était de créer une entreprise, même si c’était quasi-certain d’échouer. »

« Ça n’était pas pour les incitatifs gouvernementaux ou pour générer des profits. Il y avait 90% de probabilités de tout perdre (c’est presque arrivé à plusieurs reprises), mais c’était la seule chance. »

« Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais on est convaincus que la plupart des industries automobiles vont démarrer un programme de véhicules électriques et nous leur avons donné tous nos brevets pour aider, c’est pas rien. »

Avec Tesla Motors, on retrouve l’agilité de la Silicon Valley appliqué au redressement industriel américain : une analyse adroite du marché, une innovation technologique décisive, un soin maladif apporté au design.

L’analyse d’Elon est simple et géniale : commençons par faire une voiture de sport à 100 000 dollars qui va générer beaucoup de marge, puis avec l’argent produisons une limousine et avec cet argent, fabriquons la voiture de Mr Tout le Monde. Chaque jour, Elon se rend sur la chaîne de fabrication et vérifie chaque détail de la construction de sa voiture. Il faut dire que, accumulant les défis, l’usine de Tesla Motors a été installée en Californie où les salaires sont particulièrement élevés.

Encore une fois, il finance l’entreprise de sa poche. Les investisseurs de la Silicon Valley lui ont ri au nez quand il a proposé de mettre de l’argent dans Tesla. Les retards s’accumulent. La crise de 2008 déboule au moment même où le Tesla Roadster, le premier modèle sort finalement des usines.

Elon Musk a sur les bras deux énormes fiascos potentiels : Tesla Motors et SpaceX. Au mois de septembre 2008, il prend l’avion pour se rendre sur un atoll du Pacifique où l’armée américaine détient un centre de lancement d’essai de fusées.

 

Le Graal de la conquête spatiale.

C’est la quatrième tentative pour la fusée Falcon 1 de SpaceX. Elon Musk a investi près de cent millions de dollars dans le projet et à peu près autant dans le Roadster de Tesla qui a bien du mal à sortir de l’usine.

« Ce jour-là est sans doute l’un des plus beaux de ma vie » a commenté Elon : le quatrième essai est un succès et le premier étage de la fusée Falcon parvient à se mettre en orbite autour de la Terre.

La traversée du désert est terminée. SpaceX développe et teste avec succès son porteur commercial principal, la Falcon 9, capable de livrer des charges importantes vers la Station Spatiale Internationale. La NASA lui confie un contrat de 1,6 milliards de dollars pour douze livraisons de cargo vers l’ISS. Elon a prouvé que les lanceurs low cost fonctionnent.

Toutefois, l’objectif reste la planète rouge. Contrairement à son ex-associé de PayPal, Peter Thiel, Elon n’est pas un immortaliste :

« Si je suis encore là dans vingt ans, je pense que je pourrais aller sur Mars ».

Les étapes sont nombreuses mais SpaceX franchit les premières. En 2012, elle est la première entreprise privée à réussir un arrimage à l’ISS, en 2013, elle teste avec succès le lancement d’une capsule habitable et sa récupération en mer après un vol orbital.

La vision initiale d’Elon pour SpaceX est associée à une lecture ancienne de Tintin sur la Lune.

La jolie fusée à carreau rouge et blanc décolle et se re-pose en une pièce de la Lune à la Terre.

Musk pense que le fait que les fusées ne soient pas réutilisables est une aberration et pour lui, le « Graal » de la conquête spatiale est de parvenir à faire décoller et atterrir une fusée qui se maintienne en une seule pièce.

Grasshopper

La fusée SpaceX « Grasshopper », d’une hauteur de dix étages, a été testée avec succès pour la première fois à la mi 2014.

Comme la fusée de Tintin, le Grasshopper s’élève dans les airs puis se stabilise, inverse sa propulsion et revient se poser sur son pas de tir.

« C’est la clé du voyage des humains dans l’espace, une telle invention va permettre de réduire les coûts de lancement par un facteur de cent», s’enthousiasme Elon.

La vision qu’il développe de la conquête de Mars ne correspond plus du tout à l’idée d’une aventure solitaire à la Neil Armstrong où deux hommes vont poser le pied et s’en revenir après deux ou trois jours de balade locale. Pour sa part, il a calculé que pour établir une colonie durable, il sera nécessaire d’envoyer 80 000 personnes représentant l’ensemble des compétences nécessaires à l’installation permanente de l’espèce humaine sur une autre planète.

La crise en Ukraine contribue à ouvrir une autoroute pour les vols de SpaceX. Lorsque le Président Obama annonce les sanctions contre la Russie en réponse au soutien de Moscou aux séparatistes pro-russes de la République Libre de Donetsk, Elon Musk sent venir une ouverture unique. Le Pentagone vient de confier un nouveau méga contrat de trente six lancements de fusées avec des charges militaires à l’alliance formée par Boeing et Lockheed. C’est un club cosy qui s’est établi entre les fournisseurs et le client public en situation de monopole.

Elon Musk ne joue pas le jeu du gentil fournisseur qui attend qu’on veuille bien l’appeler. Il n’affiche d’ailleurs que rarement une opinion politique. En revanche, il est adroit pour utiliser la loi ou les finances publiques pour faire avancer ses projets. Décision exceptionnelle, il attaque au tribunal l’attribution du marché des fusées du Pentagone. Son argument : les moteurs de ces fusées sont « Made in Russia » par NPO Energomash, une société d’Etat sous le contrôle de Poutine. Un juge donne raison à Elon : le nouveau contrat est suspendu jusqu’à ce que la légalité des transactions entre Boeing, Lockheed et cette entreprise publique russe soit validée au regard du nouveau contexte des sanctions.

Elon Musk pousse son avantage : il affirme que SpaceX peut assurer le contrat du Pentagone pour le quart du prix proposé par ses concurrents. Il va même plus loin en contestant l’utilisation des Soyouz pour amener des astronautes américains sur l’ISS. Il remet également en cause le tarif payé par la NASA, 71 million de dollars par voyage, alors que sa nouvelle capsule Dragon habitable est bien plus compétitive. Ces gesticulations agacent à Moscou. Le Vice Premier Ministre, Dmitri Rogozin et twitte : « Les USA devraient utiliser un trampoline pour amener leurs astronautes à l’ISS ».

Elon répond du tac au tac :

 

« C’est le bon moment pour annoncer notre véhicule spatial Dragon 2. Pas besoin de trampoline ».

 

 

Le chemin est encore long jusqu’à Mars, mais SpaceX est déjà un succès commercial retentissant. La société a un carnet de commandes de cinquante lancements et la NASA a décidé de lui accorder un bail à long terme sur son site de lancement historique du Cap Canaveral. Le flambeau a ainsi été passé de Neil Armstrong à Elon Musk.

N°1 des voitures de luxe aux Etats Unis

Le roadster Tesla a été un semi-échec. Seuls 2500 exemplaires ont été vendus. Mais SpaceX est sorti de l’ornière et Elon peut continuer à investir dans ses voitures électriques. La crise de 2008 finit par lui amener un vent favorable. Dans le cadre de l’énorme plan de relance mis en place par Obama, Tesla reçoit un prêt de l’Etat de 450 millions de dollars. General Motors et Chrysler n’ont pas ce genre de soutien car elles doivent d’abord passer par la case faillite pour pouvoir se restructurer et repartir de l’avant.

Cette aide de l’Etat permet au constructeur californien de lancer sa berline, le Model S. L’objectif : concurrencer Mercedes, BMW et Audi. Le véhicule sort en Juin 2012 et c’est un succès quasi immédiat. De fait, l’Etat continue de soutenir le véhicule électrique avec un crédit d’impot de 7 500 dollars par achat, abondé en Californie d’un crédit supplémentaire de 2 500 $. De fait, Tesla est devenu le véhicule de référence à Los Angeles où on en croise presque autant que de Prius.

En 2013, Tesla Motors décroche la timbale : le Model S est la voiture de luxe la plus vendue aux USA devant Mercedes avec 30 000 exemplaires écoulés. Consumer Report, l’équivalent de notre 60 millions de consommateurs teste la bête et affirme qu’il s’agit de la meilleure voiture jamais inventée. Le cours de Bourse de Tesla qui faisait du yoyo depuis 2010 part en flèche et la petite firme vaut bientôt plus que Fiat ou Renault et trois fois plus que notre champion national, Peugeot Citroën.

Grâce à ses méthodes de vente uniques, Tesla parvient à des marges exceptionnelles sur ses véhicules. En effet, les Tesla ne sont pas vendues par des concessionnaires mais, comme les sacs Vuitton, par des boutiques exclusives qui appartiennent à la marque. Pas d’intermédiaire, donc. Pas non plus d’investissements publicitaires : la demande est si forte que Tesla n’a jamais acheté le moindre spot à la télévision.

Après cette première étape de succès, le projet d’Elon est bien plus large. Il cherche à créer un environnement alternatif à la voiture à essence. Cela suppose d’établir des stations de recharge de batteries à travers le pays mais aussi de construire de manière aussi compétitive que possible ces batteries.

Début 2014, il annonce la création de la Giga Factory. Un million de mètres carrés, six mille salariés dédiés à la fabrication des batteries nécessaires pour équiper 500 000 véhicules par an à l’horizon 2020. Musk explique :

 

« Je sais bien que les voitures électriques ne sont pas entièrement propres. Mais elles sont bien moins polluantes que les voitures traditionnelles : même si l’électricité est produite par une centrale au charbon, son rendement est bien meilleur que celui d’un moteur à explosion. »

 

Le projet est largement qualifié de fou mais plus personne n’a envie de parier contre Elon Musk. Une bataille féroce s’engage entre les États américains pour proposer les meilleures conditions d’implantation et attirer les emplois créés par la Giga Factory.

 

Quelques semaines après cette annonce, Elon épate encore son monde en déclarant qu’il rend open source tous les brevets détenus par Tesla Motors. Les cyniques y vont de leur commentaire : il commencerait à se faire peur avec son usine géante et chercherait à ouvrir sa technologie pour élargir la base de clients de ses batteries.

Au Colbert Report, une émission satirique, Elon Musk a eu l’occasion d’expliquer pourquoi il a décidé d’ouvrir à tous l’accès aux brevets déposés par Tesla :

« Si on considère que nous sommes sur un bateau qui est en train de couler et si nous en sommes tous à devoir écoper et si j’ai, par rapport aux autres, inventé le meilleur seau pour écoper, il me semble que c’est tout de même mon intérêt de laisser tout le monde copier le design de mon seau pour nous écopions tous de la manière la plus efficace possible »

Un Tony Stark de notre temps

La référence selon laquelle Elon Musk a inspiré le personnage de Tony Stark dans Iron Man revient en boucle. Des petits malins se sont quand même demandés comment Elon qui est né en 1971 a pu inspirer un personnage inventé par Stan Lee en 1963.

Tony Stark, entrepreneur, inventeur, milliardaire, redresseur de torts… Le parallèle réjouit Elon Musk qui a fait installer une statue grandeur nature d’ Iron Man dans le hall de SpaceX. L’anecdote est pourtant vraie : quand Jon Favreau préparait le premier Iron Man, l’acteur principal du film, Robert Downey Jr. lui a suggéré de rencontrer Elon pour inspirer les dialogues de son personnage.

Comme Tony Stark, Elon est heureux en affaires mais semble malheureux en amour, après son deuxième divorce. Et surtout comme Tony Stark, il utilise sa célébrité pour développer des projets titanesques.

Dernier délire en date, l’Hyperloop, un nouveau mode de transport. Le principe est digne d’un film de science fiction : une sorte de boulet de canon, dirigée par induction magnétique dans un tube basse pression. Le résultat : les passagers bien arrimés dans le boulet se déplacent à plus de 1000 km2 à l’intérieur du tube. Cela permet de faire le voyage entre San Francisco et Los Angeles en trente cinq minutes.

Dans un moment très « Tony Starkien », Elon Musk a présenté en Juillet 2013 ce qu’il appelle une version « alpha » de l’Hyperloop en déclarant que d’après ses calculs la construction d’une telle infrastructure coûterait dix fois moins cher que le projet de TGV californien qui traîne depuis des années. Dans le même temps, il a déclaré ne pas avoir assez de temps pour s’occuper de mettre en œuvre l’Hyperloop mais qu’il aiderait quiconque déciderait de construire un prototype.

Quelques mois plus tard, Elon Musk a été aperçu sur le campus d’Apple lançant la rumeur que Tesla pourrait devenir l’Apple Car. La rumeur a été démentie. Il est vrai qu’au terme de ce portrait, une différence majeure apparaît entre Elon Musk et Steve Jobs : une sorte de générosité qui échappait un peu au génie de Cupertino.

Si Apple avait inventé un Hyperloop, chaque membre du projet aurait été soumis à un strict secret, des tas de brevets auraient été déposés et si finalement la machine avait vu le jour, elle aurait été assortie d’un péage bien juteux pour la firme à la pomme.

Elon Musk, qui pour sa part, a cinq enfants, a déjà promis qu’il léguerait la vaste majorité de sa fortune à des œuvres charitables. Comme Bill Gates, Warren Buffett ou Pierre Omidyar…

Issu du livre ‘Les Rebelles Numériques’ – Daniel Ichbiah & Jean-Martial Lefranc (2014)