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Niger : En Repositionnant leurs Troupes, les Etats-Unis Prennent Leurs Distances Avec la France

Les Américains ont commencé à quitter la base aérienne 101 de Niamey qu’ils partageaient avec les Français et à se redéployer à Agadez, dans le nord du pays.

Alors que la situation demeure très incertaine au Niger, à la suite du coup d’Etat du 26 juillet, qui a conduit au renversement du président Mohamed Bazoum, les Etats-Unis ont annoncé, jeudi 7 septembre, avoir débuté le repositionnement de leurs troupes – un millier de soldats au total – au sein du pays. Celles-ci vont rester au Niger, mais quitter la base qu’elles partageaient jusque-là avec les militaires français dans la capitale, Niamey, pour se redéployer dans la base d’Agadez (nord). Par cette décision, Washington prend ses distances avec Paris, qui a engagé un bras de fer avec la junte conduite par le général Tiani. Depuis l’ultimatum lancé début août par les putschistes, la France a refusé de retirer ses troupes du sol nigérien, même si des discussions à ce sujet ont récemment débuté.

Le Pentagone a justifié cette décision arguant qu’il s’agissait une « mesure de précaution ». « Il n’y a pas de menace immédiate pour notre personnel ni de violence sur le terrain », a assuré une porte-parole, Sabrina Singh. Le département de la défense a néanmoins décidé de déplacer son personnel et ses moyens « de la base aérienne 101 de Niamey à la base aérienne 201 d’Agadez », plus au nord, a-t-elle précisé. Agadez est un hub logistique de l’armée américaine au Niger, où sont notamment prépositionnés ses drones. Seul un nombre restreint de soldats restera dans la capitale.

Jusqu’au 26 juillet, les Etats-Unis assuraient des missions de formation auprès de l’armée nigérienne. Ils mettaient également à disposition des troupes françaises et nigériennes leurs importants moyens en matière de renseignement, pour la lutte contre les groupes armés terroristes. Depuis le putsch, même si Washington a été bien moins critique à l’égard de la junte que Paris, la coopération sécuritaire avec le Niger a été temporairement suspendue.

Flottement

Il n’y a « aucun lien » entre le mouvement des troupes américaines et « ce que fait l’armée française en ce moment », a défendu la porte-parole du Pentagone, jeudi. Dans un contexte très volatil, au Niger, la base 101 de Niamey risque de devenir un important lieu de fixation des tensions. Plusieurs manifestations antifrançaises ont eu lieu à proximité, ces dernières semaines. La sécurité de cette base, où sont aussi stationnés des militaires européens – notamment allemands et italiens –, est assurée par les forces de sécurité nigériennes, mais rien ne garantit que ce fonctionnement perdure.

Le rapport de force entre Paris et Niamey apparaît toujours très vif, et les modalités d’un éventuel retrait de l’armée française – qui compte quelque 1 500 soldats au Niger – demeurent obscures. « Les options [du retrait] ne sont pas décidées, a assuré, jeudi, à la presse, un responsable français proche du dossier. Un départ est une chose qui doit être anticipée, négociée, et les militaires français obéissent au président français. » Or, pour l’heure, « la décision de partir n’a pas été prise », a-t-il souligné.

Une situation de flottement qui pourrait se prolonger. Le 7 septembre, dans un courrier adressé aux chefs de partis politiques, résumant leur rencontre de la fin août, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Emmanuel Macron a expliqué que le principe d’un débat parlementaire sur la présence française en Afrique était « acté », mais le chef de l’Etat ne s’est pas avancé sur un calendrier. Ce débat aura lieu « à l’automne », a-t-il seulement précisé. A Niamey, c’est par ailleurs en juin qu’a eu lieu la dernière relève de troupes avec, parmi les nouveaux arrivés, des soldats des 2e et 3régiments d’infanterie de marine. Or, les mandats des militaires en opération extérieure sont traditionnellement de trois à quatre mois.

Une situation sécuritaire qui se dégrade rapidement

Le climat est aussi compliqué pour le personnel diplomatique, alors que Paris a décidé de maintenir son ambassadeur à Niamey, Sylvain Itté, contre l’avis de la junte au pouvoir. Face à la montée des tensions et au risque d’être pris pour cibles, les personnels français maintenus au Niger ont été encouragés à vider leurs domiciles. Mais, le 3 septembre, un camion de déménagement, affrété pour récupérer leurs effets personnels et les rapporter à l’ambassade de France, a été arrêté par la police nigérienne, et tout son contenu a été saisi.

L’épisode est à l’origine de la diffusion, sur les réseaux sociaux, d’une fausse information, laissant croire que la France utilise des uniformes burkinabés pour des opérations clandestines. Selon des éléments communiqués à la presse française, jeudi, il s’agit en fait d’un seul et unique uniforme qui appartenait à l’attaché de défense adjoint de l’ambassade, en poste au Burkina Faso jusqu’en juin et muté à Niamey au cours de l’été. Il avait été amené à porter cet uniforme pour une cérémonie officielle, selon des images publiées sur les réseaux sociaux.

La situation sécuritaire se dégrade par ailleurs rapidement, à l’est et au nord de Niamey depuis le putsch. Face à la menace d’une éventuelle intervention militaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, l’armée nigérienne est obligée de retirer certaines forces d’ordinaire affectées à la lutte contre le terrorisme, pour les repositionner sur d’autres fronts. Une dizaine d’attaques djihadistes ont été recensées depuis fin juillet, au cours desquelles 54 civils et 51 militaires nigériens ont été tués. Soit une augmentation de plus de 50 % du nombre de morts en un mois.