Le président Faure Gnassingbé a ordonné vendredi que la nouvelle Constitution, fraichement adoptée pour instaurer un régime parlementaire et non plus présidentiel, soit soumise à un nouveau vote des députés, dans un contexte de tension politique croissante.
Lundi soir, l’Assemblée nationale, dominée par l’Union pour la République (UNIR), au pouvoir, avait validé le nouveau texte, une réforme constitutionnelle vivement contestée par l’opposition qui y voit une manoeuvre du président pour se maintenir au pouvoir.
«Toute chose étant perfectible, et au regard de l’intérêt suscité au sein de la population par le texte depuis son adoption, le Président de la République a demandé ce jour à la présidente de l’Assemblée nationale de faire procéder à une deuxième lecture de la loi adoptée», a annoncé Yawa Kouigan, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement à la télévision d’État vendredi soir. Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, l’opposition est vent debout contre le régime, craignant que ce changement ne laisse la voie libre au maintien à la tête du pays du président Faure Gnassingbé, alors que les élections législatives et régionales doivent avoir lieu dans trois semaines, le 20 avril.
En vertu de la nouvelle Constitution, il revient au parlement togolais d’élire le président de la République, qui est privé de toute prérogative, «sans débat» et «pour un mandat unique de six ans». Aux termes du nouveau texte, le pouvoir résidera entre les mains d’un «président du conseil des ministres», sorte de Premier ministre «désigné» par les députés, en charge des fonctions régaliennes. Son mandat doit être de six ans, sans qu’il soit précisé s’il sera renouvelable ou non. C’est ce point qui inquiète l’opposition qui craint que Faure Gnassingbé ne soit désigné à cette fonction, assurant son maintien au pouvoir pour une durée indéfinie.
La situation actuelle doit être réglée «pacifiquement et démocratiquement»
Mardi, la Conférence des évêques du Togo s’était interrogée, sans un communiqué, sur «l’opportunité ou non» de mener cette réforme et du «moment choisi». Elle avait appelé le président à «surseoir la promulgation de la nouvelle Constitution et à engager un dialogue politique inclusif, après les résultats des prochaines élections législatives et régionales». Plusieurs partis d’opposition et de groupes de la société civile ont tenu des conférences de presse mercredi, dont l’une a été dispersée par les forces de l’ordre selon lesquelles les organisateurs n’avaient pas les autorisations nécessaires.
Vendredi, près d’une centaine d’universitaires, intellectuels, artistes, personnalités politiques et acteurs de la société civile, ont signé un «appel citoyen» demandant aux Togolais de «se mobiliser» pour «rejeter cette forfaiture» et au président Gnassingbé «d’arrêter le processus en cours pour le bien de notre pays». Selon des sources de l’AFP à Washington, le gouvernement américain aurait demandé «clairement» au chef de l’État togolais que «la situation actuelle soit réglée pacifiquement et démocratiquement».
Faure Gnassingbé a succédé en 2005 à son père, qui avait tenu le pays d’une main de fer pendant près de 38 ans. Au Togo, toutes les élections présidentielles organisées depuis l’avènement de la démocratie en 1990 ont été contestées par l’opposition, avec des vagues de violences notamment lors du scrutin présidentiel d’avril 2005. Faure Gnassingbé a été réélu en 2010, 2015 et 2020, dans des scrutins toujours contestés par l’opposition. En 2019, une modification de la Constitution limitait le nombre de mandats du président de la République à deux, tout en remettant les compteurs à zéro pour Faure Gnassingbé qui a pu briguer sa propre succession en 2020 et aurait pu se présenter pour un dernier mandat de cinq ans en 2025.